Le Dr Duverney, correspondant scientifique du Figaro, imagine les usages du diaphote (1880)
Dr. P. DUVERNEY, "Le diaphote",
Le Figaro, 26 mai 1880
L'article "Le diaphote", paru le 26 mai 1880, du correspondant scientifique du Figaro le Dr. P. Duverney, est, à notre connaissance, le premier article en français imaginant les usages possibles d'un appareil de vision à distance, un peu comme le faisait l'article "Electroscope" du New York Sun du 29 mars 1877. L'article est inspiré par le diaphote du Dr. Licks, annoncé par un entrefilet moqueur de E.H. (Edouard Hospitalier) dans La lumière électrique, 1er avril 1880. Mais l'auteur a aussi conscience de la proposition de téléphotographe à un fil de C.M. Perosino, le "professeur du lycée Beccaria à Mondovi", dont La Revue télégraphique a brièvement rendu compte dans un entrefilet du 25 mars 1880 et du télectroscope, évoqué en France depuis 1878 suite à l'article de Figuier. Peut-être connait-il même le dessin du téléphonoscope de Georges du Maurier, puisqu'il fait entrer Edison dans la liste des candidats.
Le ton enjoué de l'auteur et l'originalité de ses propositions font l'intérêt et le charme de l'article. La seule fonctionnalités qu'il imagine pour le diaphote (mot que visiblement il n'aime pas) est la possibilité de se voir durant l'échange téléphonique (en particulier la vision de l'être aimé) : "Vous concevez aisément la joie des personnes qui s'adorent, et que d'inéluctables circonstances séparent l'une de l'autre. Elles pourraient se parler, s'enivrer mutuellement des accents enchanteurs de la voix aimée, et de plus, ô félicité ! se voir, contempler amoureusement leurs traits chéris !"
Bien sûr, il ne croit pas immédiatement à la réalité opérationnelle du diaphote, mais constatant que cela est dans l'air du temps, il ne doute pas que la technique deviendra réalité au point que le 19ème siècle pourra être appelé celui de la suppression ou en tout cas de la réduction des distances.
Le plus piquant est peut-être son idée que la vision à distance ne sera pas encore suffisante : "Je sais bien qu'on trouvera encore cela fort insuffisant, qu'on voudrait pouvoir aussi échanger un serrement de main télégraphique, presser électriquement la taille de l'ange de ses rêves par dessus les Océans ou imprimer sur son front pur, à travers les Saharas brûlants, un baiser qui serait chaste, celui-là, où je ne m'y connais pas".
Qui dit mieux ?
André Lange,14 décembre 2017.