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Téléphone et photophone : les contributions indirectes de Graham Bell à l'idée de la vision à distance par l'électricité (1880-1895)
 


Alexander Graham Bell

Alexander Graham Bell (1847-1922) est surtout connu pour l'invention du téléphone électrique, même si la primauté de l'invention lui est souvent contestée. Ses contributions à l'histoire du développement de la vision à distance sont moins connues. Il est vrai qu'elles ne sont qu'indirectes, mais qu'elles ont très fortement stimulé l'imagination de ses contemporains. L'invention et la démonstration du photophone en 1880 ont fortement contribué à stimuler les investigations sur la possibilité de transmettre les images à distance en recourant aux propriétés photosensibles du sélénium.

 

L'invention du téléphone stimule la réflexion sur la vision à distance

Graham Bell a déposé sa demande de brevet pour le téléphone électrique le 14 février 1876 et présenté son téléphone lors de l'Exposition de Philadelphie en 1876. L'attribution du brevet a fait l'objet de longues polémiques avec Elisha Gray, qui essaya de faire annuler le brevet par les autorités américaines (1) L'appareil fait l'objet de perfectionnements, proposés notamment par Thomas Edison, durant l'année 1877 et suscite l'enthousiasme des milieux scientifiques européens. Cette découverte va susciter les premières réflexions sur la vision à distance.

 

Le 28 juin 1877, l'hebdomadaire Cosmos - Les Mondes, édité par l'Abbé Moigno, publie un article "Chronique télégraphique - Le télectroscope", qui, de manière fantaisiste, attribue à Bell l'invention d'un appareil transmettant les images à distance. Cette information non vérifiée est reprise quelques mois plus tard  par Louis Figuier (1819-1894), grand vulgarisateur scientifique français, qui consacre au téléphone ("invention vraiment merveilleuse"), un long article dans le volume 1877 de L'année scientifique et industrielle (2). et le  fait suivre par un autre article intitulé "Le télectroscope, qui reprend l'information, non sans demander confirmation.  Il n'existe aucune trace connue de contribution de Bell sur le télectroscope à cette date et l'affirmation selon laquelle "les journaux de Boston affirment que les expériences faites dans cette ville, pour produire ainsi les images à distance, ont parfaitement réussi" n'a pas, à notre connaissance, été confirmée. Figuier lui-même paraissait sceptique, puisqu'il termine son article en écrivant "...mais il faut attendre des descriptions exactes de l'appareil pour croire à cette annonce".

 

Cette attribution fantaisiste n'est qu'une des illustrations du mouvement d'imagination suscité par l'annonce de l'arrivée du téléphone : si il est possible de transmettre les sons grâce à l'électricité, il devrait être également possible de transmettre des images. En Europe, les trois pionniers de la recherche sur ce sujet seront, en 1878, le Portugais Adriano de Paiva et le Français Constantin Senlecq. Tous trois reconnaîtront que c'est l'annonce de la mise au point du téléphone électrique par Bell qui a stimulé leurs travaux. Il en sera de même pour de nombreux contribueturs un peu plus tardifs.

 

L'impact du dépôt par Bell d'un pli cacheté au Franklin Institute

   

Début mars 1880, Graham Bell et son associé Tainter déposent auprès du Franklin Institute deux boîtes scellées dont on ignore le contenu. Ce dépôt  suscite les imaginations. Dès février 1880, le Boston Transcript avait publié un article affirmant, comme Figuier deux ans plus tôt, que Bell avait mis au point un appareil permettant de voir à distance. Cette nouvelle, reprise par la prestigieuse revue Nature, le 15 avril 1880,  était fantaisiste puisque le pli concernait le photophone, c'est à dire un appareil permettant de transmettre le son en recourant à la lumière, mais non un appareil de vision à distance. 

 

Cette rumeur aura néanmoins un impact intéressant pour les développements de la télévision à distance : elle va conduire à la publication, un peu précipitée, de diverses contributions qui elles sont bien relatives à l'hypothèse de la vision à distance recourant aux propriétés du sélénium : 

  • La réaction la plus prompte est celle de J.PERRY, J. et AYRTON, W.E.,  « Seeing by Electricity », Nature, 21, 21 April 1880. Dans cet article, les deux auteurs déclarent explicitement qu'ils publient cet article afin que Bell ne soit pas le seul à tirer avantage de ce qui est supposé être la définition d'un système de vision par l'électricité basé sur les propriétés du sélénium. Le conflit de brevets entre Bell et Gray sur le téléphone n'est probablement pas étranger à cette démarche. Cet article suscite lui-même la réponse de J.E.H. Gordon : "Seeing by electricity", letter, Nature, 29 April 1880,  ainsi que la publication de l'article anonyme  "Seeing by Telegraph", English Mechanic and World of Science, 31, 30 April 1880 et de celui de H.E. Bolton, "Seeing by electricity", letter, English Mechanic and World of Science, 14 May 1880.

 

  • Le 5 juin 1880, faisant également suite au dépôt du pli par Bell, le Scientific American publie l'article  "Seeing by Electricity". Cet article est le premier qui mentionne les travaux (menés depuis 1877) de Georges R. Carey et, pour la première fois aux Etats-Unis, ceux du français Constantin Senlecq. Cet article provoque lui-même la publication de SAWYER, W.E., "Seeing by Electricity", Scientific American, 42, 12 June 1880.

 

  • Le 1er juillet 1880, le Comte Th. du Moncel, autorité en France en matière d'électricité et de télécommunication, publie son premier article sur la vision à distance du MONCEL, Th.,  "Le Téléphote et le Diaphote", La Lumière électrique, 1er juillet 1880. L'idée de la vision à distance lui paraît devenir une hypothèse plausible "car pour qu'un homme de l'importance de Bell s'en soit occupé, il faut que l'idée soit sérieuse". Ce caractère plausible est également est considéré avec plus de scepticisme par le physicien Antoine Bréguet, qui, dans La Revue scientifique (septembre 1880) cite les propositions de de Paiva et de Senlecq.

  • Le 31 juillet 1880, dans L'Illustration, l'électricien Edouard Hospitalier signe un article "Téléphotes et diaphotes. Voir à distance par l'électricité" qu'il conclut en laissant entendre que l'inventeur américazin a peut-être trouvé la solution : "Les études de M. Graham Bell sur cette question sont jusqu'ici entourées du mystère le plus impénétrable, toute hypothèse sur les procédés qu'il emploie serait donc pré- maturée. Sans vouloir affirmer que le problème de voir à distance par l'électricité soit insoluble d'une façon absolue, il nous parait entouré de difficultés insurmontables dans l’état actuel de la science. Peut-être est-il réservé à l'inventeur du téléphone, l'honveur de découvrir le télé- phote. Dès que les travaux de M. Graham Bell seront rendus publics, nous nous empresserons de les analyser avec toute l’attention que méritent les études de l'illustre inventeur."

 

La simple rumeur aura donc suffit à libérer les imaginations, au grand bénéfice du progrès de la science.  Dans une lettre du 3 juin 1880 adressée à ses parents, Graham Bell s'étonnera du tapage fait autour du canular et des critiques qu'on lui fait à cette occasion en le suspectant de vouloir établir son monopole sur une invention alors qu'il n'a jamais indiqué l'avoir réalisée : "I am much amused by the anxiety displayed by scientific men all over the country – to forestall me in the discovery I am supposed to have made! The Telephone has taught me that an inventor must expect to have others lay claim to his ideas and inventions, but in this case an indecent haste is made “to prevent monopoly” of an invention that has not been made!" (3) Dans l'article signé par un Dr. H.F. JOKOSA, "Graham Bell talks, Inventor of telephone tells the story of an hoax", paru dans l'Evening Star, 30 May 1896 quelques mois après l'annonce de la découverte des aryons X par Roetgen et repris par d'autres journaux, Graham Bell revient sur le canular du diaphote lancé le 10 février 1880 dans The Daily Times de Betlehem par le Professeur Merriman, utilisant le pseudonyme de Dr. H. E. Licks. Ce canular avait eu une diffusion internationale et avait laissé croire que l'inventeur du diaphote était Graham Bell (alors que celui-ci venait d'inventer non pas un appareil de transmission des images mais le photophone). Graham Bell constate que ce canular a été à l'origine des attaques assez virulentes lancées contre lui par deux professeurs britanniques, Ayrton et Perry, qui ont prétendu à leur tour avoir mis au point un appareil. Bell indique que chaque fois qu'il entend des histories de revendication d'antériorité pour des revendications de découvertes, il pense à ce canular où on lui a reproché une invention qu'il n'avait pas faite. 

   

On a parfois émis l'hypothèse que l'attribution du télectroscope par Figuier à Graham Bell provenait également de la confusion avec les travaux de Bell sur le photophone. Mais la spécification provisoire du photophone est datée du 2 janvier 1879 et le résultat des travaux n'ont été révélés qu'en septembre 1880.

Le photophone de Graham Bell et Summer Tainter démontre les potentialités du sélénium

Le malentendu est levé en septembre 1880 par une lecture que Bell fait lors d'une réunion de l'American Association et dont le contenu est publié dans Nature : BELL, A.G., "Selenium and the Photophone", Nature, 22, 23 Sept. 1880. Un article plus détaillé sera publié quelques semaines plus tard : BELL, A.G., "Production of Sound by Light", American Journal of Science, 20, October 1880. En France, des articles d'A. Bréguet et d'Edouard Hispitalier publiés le 25 septembre mettent fin au malentendu. L'article d'Hospitalier dans  L'Illustration, présente le photophone comme un "téléphone optique" et précise "comme on l'avait dit à tort un instant n'est pas un téléphote". Bell a conservé la coupure de cet article.



 
 

(1) Pour un point de vue d'historien favorable aux positions d'Elisha Gray, voir EVENSON, A.E., The Telephone Patent Conspiracy of 1876, Mc Farland, 2000.

(2) L'année scientifique et industrielle, Vingt et unième année, Librairie Hachette et C°, Paris, 1878.

L'appareil que Bell propose, le photophone, permet de produire et reproduire le son en recourant aux propriétés du sélénium et n'a rien à voir avec la transmission des images. Le principe de cet appareil est qu'un rayon lumineux projeté à distance sur une substance impressionnable à la lumière peut, étant modifié dans son intensité sous l'influence des vibrations de la voix, impressionner suffisamment cette substance (en l'occurrence le sélénium) pour que celle-ci puisse reproduire la parole avec l'aide d'un téléphone, même sans liaison par fil téléphonique. L'idée de Bell n'était pas tout à fait originale puisqu'on la trouvait déjà évoquée, il est vrai de manière très brève, dans la lettre d'un certain J.F.W., publiée dans Nature le 13 juin 1878.


On imagine qu'elle pouvait être l'importance stratégique et commerciale d'une telle découverte : une fois perfectionnée, elle aurait permis la constitution d'un système de téléphonie optique ne nécessitant pas la construction d'un réseau téléphonique.  Une déclaration de Bell rapportée par The Telegraphic Journal (15 November 1880) souligne cette dimension stratégique, mais incite néanmoins à la prudence quant à la possibilité d'applications immédiates :

 

Ce n'est donc pas sans raisons que Bell considérera jusqu'à sa mort que cette invention était supérieure à celle du téléphone électrique. De nombreuses propositions et expériences apparurent dans le courant de l'année 1880, pour la diffusion de la musique, la mesure de la vitesse de la lumière, etc. En novembre 1880, Bell et Janssens testèrent à l'Observatoire de Meudon, sans succès, la possibilité d'écouter les sons de la surface solaire.

Dès mai 1880, Bell avait confié son appareil à la National Bell Telephone Company, en vue d'une exploitation commerciale. Mais les expériences montrèrent vite les limites d'exploitation : en 1883, la limite de diffusion n'avait pas dépassé 200 mètres et ce n'est qu'en 1897 qu'un ingénieur de l'American Telegraph and telephone Company réussit une diffusion d'une portée de plusieurs miles. Mais à cette date la  découverte était cependant périmée puisque, dès 1887, Guglielmo Marconi avait fait démonstration de la possibilité de la télégraphie sans fil, en recourant aux propriétés des ondes hertziennes

Bell et Tainter obtiennent leur brevet sur le photophone le 14 décembre 1880. (BELL, A.G. and TAINTER, S., Photophone patent 235,496 granted 14 December 1880). Ils obtiennent le même jour deux brevets sur la préparation des cellules de sélénium. (Patents 235497 et 235590)

Charles Summer Tainter en 1919 (Courtesy of the Smithonian Institute)

Franklin Institute, Philadelphia. Coloured engraving by Fenn Wellcome

(Source : Wellcome Collection)

Le photophone LEVY, A. Les nouveautés de la science, Hachette, Paris, 1883. (Source : Gallica).

(3) La lettre est conservée dans les The Alexander Graham Bell Family Papers de la  Library of Congress et citée dans RAATSCHEN H. Die technische und kulturelle Erfindung des Fernsehens in den Jahren 1877 – 1882, Thesis, Dusseldorf, 2007? p. 58

Graham Bell tells the story.jpg

Dr. H.F. JOKOSA, "Graham Bell talks, Inventor of telephone tells the story of an hoax", 'Evening Star, 30 May 1896

Cellules de sélénium brevetées par Tainter (1880)

Cellules de sélénium brevetées par Bell et Tainter en 1880

(Patents 235497)

Un des téléphones utilisés par Graham Bell pour les démonstrations à la Philadelphia Centennial Exposition (1876) - By courtesy of the Smithonian Institute

L'impact de la présentation du photophone

Loin de freiner la réflexion naissante sur les possibilités d'utiliser le sélénium pour transmettre des images à distance, la description de l'appareil de Bell et Tainter va renforcer cette réflexion. L'appareil de Bell confortait l'hypothèse émise en en 1873 par Willoughby Smith selon laquelle les propriétés photosensibles du sélénium pourraient permettre des applications pratiques. Ainsi, le français Maurice Leblanc fait référence aux travaux de Bell dans son article  "Etude sur la transmission électrique des impressions lumineuses", La Lumière électrique, 1er décembre 1880. De même l'allemand Paul Nipkow fait explicitement référence aux travaux de Bell sur la lumière dans son article fondateur où il décrit les possibilités de balayer une image grâce à un disque perforé ("Der Telephotograph und das elektrische Teleskop", Elektrotechnische Zeitschrift, October 1885).

En 1923, A.O. Rankine a relancé l'hypothèse d'une utilisation du photophone pour la communication à longue distance (photo-telephone).

Les boîtes déposées par Bell et Tainter ont finalement été ouvertes en 1937. Elles contenaient le modèle original du photophone et le descriptif de l'appareil. Ces reliques sont à présent conservées à la Smithonian Institution.  Un photophone original est également conservé à Paris au Musée national des Arts et Métiers / Le CNAM


L'appareil de Bell et Tainter occupe aujourd'hui une place quasi mythique dans l'histoire des technologies de communication, pourtant riche en appareils oubliés. En février 1995, un groupe d'étudiants de l'Université de Virginie ont déposé une demande de brevet pour une version améliorée du photophone de Bell et Tainter. Mais ce sont surtout les travaux menées  à partir de 1960 sur les rayons laser, débouchant notamment sur le lancement en 1978 du Compact Disc Audio, qui ont donné l'illustration que l'hypothèse de Bell - transmettre le son à travers la lumière - était loin d'être absurde.

 

Des déclarations et une contribution peu connues de Graham Bell sur la vision à distance 

 

Dans son ouvrage de référence Television. An international history of the formative years, R.W. Burns écrivait encore en 1998, à propos des rumeurs sur les travaux de Bell en matière de vision à distance : "Actually Bell never engaged in the above field of research" (p.44). 

Antoine Bréguet, qui a assisté à une démonstration du photophone dans le laboratoire de Bell à Boston, rapporte dans son article sur le photophone du 25 septembre 1880 (p,292) signale l'inventeur a indiqué que deux chercheurs  expérimentaient sur les possibilités du sélénium pour transmettre des images: Sargent à Philadelphie et David Brown à Londres mais précise "leurs travaux nous sont inconnus". W.D. Sargent et David Brown de Londres sont effectivement cités par Bell dans sa conférence "Production of Sound by Light" du 27 août 1880, mais pas à propos de la transmission d'images.

Les choses sont plus nuancées. Graham Bell a donné au moins trois interviews sur la question de "seeing by electricty" (1885, 1893, 1894). Par ailleurs, ses notes et sa correspondance témoignent de son intérêt pour le problème.

En novembre 1885, de passage à Washington, il fait une déclaration reproduite par la Electrical Review. Interrogé sur la question de la vision par l'électricité, il ironise sur la "tendre sollicitude" qui a entouré le dépôt de son pli sur le photophone auprès de la Smithonian Institution, sur l'article de Nature qui affirmait qu'il avait trouvé une solution et sur les six inventeurs indignés qui ont prétendu avoir trouvé une solution mais n'ont certain rien vu à distance. Il indique qu'à cette époque il ne s'était pas intéresse au sujet, mais qu'il est à présent confiant sur le fait que dans un proche avenir on pourra s'asseoir au salon et converser  avec un ami, qui sera automatiquement à vos côtés.

Grâce à la publication par la Library of Congress des archives de Bell (The Alexander Graham Bell Papers at the Library of Congress) on peut accéder à  des notes  dictées du 10 au 13 avril 1891 à Arthur W. McCurdy et publiées le 22 mars 1910 : "Editorial and Articles on the possibility of seeing by electricity"

Ces notes constituent essentiellement une réflexion théorique sur les possibilités d'utiliser les propriétés photosensibles du sélénium pour transmettre. Bien que formulées dans l'élégante clarté caractéristique du style de Bell, elles ne nous paraissent pas apporter beaucoup d'éléments nouveaux par rapport aux travaux des contemporains de Bell, travaux que celui-ci évite soigneusement de citer. On remarquera néanmoins que Bell, conscient des limites du sélénium en matière de conductivité et des difficultés pratiques de préparer cette substance, indique que le tellurium pourrait être mieux adapté.

 

Notons également qu'en 1889, un proche de Bell, E.H. Hall Jr., vice-président de la filiale de la Bell Company consacrée aux liaisons à distance (AT&T) exprimait dans une lettre publiée par Electrical Review, l'espoir que le génie des inventeurs permettrait de voir son interlocuteur en même temps qu'in l'entendrait au téléphone.

Graham Bell revient sur le sujet dans une interview qu'il donne en juin 1893 au journaliste Cleveland Moffett pour le McClure's Magazine. Il s'amuse de l'effervescence qu'ont créé les rumeurs autours de son photophone. Il considère que "seeing by electricity" est une hypothèse réaliste, mais que le problème sera plus difficile à résoudre que la transmission du son en raison de la plus grande vitesse des ondes lumineuses. Il pense que le problème sera résolu lorsqu'on aura trouvé un diaphragme suffisamment sensible pour recevoir les vibrations et transmettre les variations électriques correspondantes.​ Dans le même interview il évoque la possibilité de la transmission de pensée entre deux individus par l'électricité.

Les déclarations de Bell à Cleveland Moffet ont circulé dans la presse américaine tout au long des années 1893-1894. Durant l'été 1894, à une date qui reste à déterminer, un article du Chicago Record signale que l'inventeur est présent ce mois (juillet ?) en Nouvelle Ecosse pour travailler à la navigation aérienne et qu'il travaille en laboratoire sur la possibilité de transmettre des images à distance. Cet article sera reproduit par de nombreux journaux américains , par exemple The Alexandria Gazette (24 août 1894) et évoqué dans la presse professionnelle ("Seeing by Electricity", Electric Power, August 1894, p.284)

Le théâtrophone, premier système électrique de distribution de la culture et du divertissement

 

Une des premières applications développée pour le téléphone fut le théâtrophone, proposé dès 1881 par le français Clément Ader. Cette distribution de musique et de concert constitua, jusqu'à l'arrivée de la radio, la première forme de distribution électrique de culture et de divertissement. Voir nos pages "Théâtrophone".

Le scepticisme tardif de Bell

En décembre 1901, le succès du canular du spectographe du Dr. Sylvestre, supposé permettre de voir ses interlocuteurs au téléphone, amène Bell à faire une nouvelle déclaration, beaucoup plus sceptique sur les possibilités de mettre au point un tel appareil, en tout cas dans un avenir proche. 

 

Le 20 décembre, The New York Evening World publie un entrefilet : ""Seeing by Telephone is only a Fairy Tale" said Prof. Alexander Bell to a World correspondant yesterday. Most of us are more than content when we can hear it".  Le lendemain, The Boston Globe titre "Seeing by Telephone. Professor Bell Takes no Stock in the Alleged Paris Discovery". 

 

A partir du 26 décembre, on trouve dans divers journaux locaux un récit plus détaillé de l'intervention de Bell. Nous n'avons pu identifier la source première de ces déclaration de Bell, qu'il s'agisse d'un communiqué d'agence ou de la reprise d'un journal new-yorkais. Les articles indiquent "New York, 25 December 1901". Bell aurait-il fait sa déclaration le jour de Noël ? Il est plus probable que la déclaration est la mêm que celle dont le Boston Globe a publié un résumé le 21.

La déclaration de Bell est une moins réfutation de l'invention "de Paris" qu'un historique de vingt et un ans de canulars et d'annonces prématurée "La vision à distance par l'électricité a atteint sa majorité. Voir par téléphone ou par télégraphe  est dans l'ordre des choses possibles. Je le dis car rien n'est impossible tant qu'on n'a pas démontré qu'il en est ainsi. Voir par l'une de ces modalités, cependant, lorsque je me réfléchis à cette question, est tellement loin des probabilités que je dois considérer tout rapport de cette espèce comme une absurdité". 

 

Bell reconnaît qu'il a pu contribuer, par l'invention de son photophone, à l'illusion que la transmission d'images serait possible. Il rappelle que c'est à partir de l'annonce du dépôt au Smithonian Institute de son pli secret concernant le photophone qu'on commencé les annonces. Il envoie des coups de griffes au Dr. Licks, à Ayrton et Perry"deux professeurs anglais bien connus"dont il moque la prise de position indignée, à Sawyer, à Henry Suttonqui n'est pas nommé mais qui est désigné comme "un Australien" et au Scientific American qui a entretenu un débat sans objet en défendant un de ses clients à qui l'on aurait volé la priorité de son invention (Bell vise probablement ici George R. Carey). "Il n'a rien dans l'histoire que je lis qui indique que cette histoire n'est rien d'autre qu'un conte de fée".

 

Il faudra attendre les années 20 pour que l'American Telephone and Telegraph Company joue un rôle important dans le développement de la téléphotographie et de la télévision. Les recherches de ses équipes porteront leurs fruits à partir de 1924 en matière de téléphotogarphie et 1927 en matière de télévision, mais l'illustre inventeur était mort en 1922.

 

Un photophone  exposé au MAMC de Strasbourg en 2013. 

(Photo : André Lange)

Des photos d'un autre photophone conservé au Musée des Arts et Métiers, Paris sont accessibles sur la base du Musée ici

"Le photophone de Bell", in Journal télégraphique, 20 octobre 1880..

(Source : Gallica)

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Graham Beel "Seeing by electricity", Electrical Review, 20 December 1885

BELL, A.G., "Editorial and Articles on the possibility of seeing by electricity", Notes dictées du 10 au 13 avril 1891 à Arthur W. McCurdy et publiées le 22 mars 1910 (> The Alexander Graham Bell Papers at the Library of Congress)

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Boston Globe, 21 December 1901

Les voeux d'un admirateur

   

Les espoirs que Graham Bell contribue à la mise au point de la vision a distance ont perduré plus de quarante ans après l'article de Figuier.  En 1915, il fallait encore qu'un de ses admirateurs, George G. Veditz, l'incite dans une lettre à mettre au point "a sort of television". (Lettre conservée à Library of Congres dans la collection Alexander Graham Bell Familly Papers at the Library of Congress).

Build a telephone. Intéressant documentaire sur le photophone de Bell et comment en construire un aujourd'hui. Source :Science Online

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L'Illustration, 30 octobre1880

Bibliographie sur Graham Bell

BRUCE, R.V., Alexander Graham Bell and the Conquest of Solitude, Little Brown, Boston, 1973.

CASSON H.N., The History of telephone, 1910. 

EVENSON, A.E., The Telephone Patent Conspiracy of 1876 : The Elisha Gray-Alexander Bell Controversy and Its Many Players, McFarland and Company, Jefferson, 2001.

GROSVENOR, E.S. and WESSON, M.., 
Alexander Graham Bell, Harry N Abrams, 1997.

PASACHOFF, N.E., Alexander Graham Bell : making connections, Oxford University Press, 1998

 

 Quelques sites sur Graham Bell et l'histoire du téléphone

Alexander Graham Bell's Path to the Telephone

 

Etudes historiques sur le photophone

HUTT D.L., SNELL K.J., BELANGER P.A., "Alexander Graham Bell's Photophone", Optics and Photonic News, June 1993, pp. 20-25

 

MINTS III Forrest, M., Light-Beam Communications, Howards M. Sams / The Bobbs-Merrill, 1975

 

S. SHOENHERR Recording Technology History (notamment : Brevets de Bell et Tainter, photos de Tainter,...)

La "roue interruptrice" du photophone d'E. Mercadier. (MERCADIER, E., La Radiophonie, La lumière électrique, 1er janvier 1881.)

Magasin pittoresque 1881.jpg

Le magasin pittoresque, 1881, p.71-72

André Lange, 25 décembre 2001 / Révisions décembre 2017, 27 mai 2020, 10 juin 2020, 22 juin 2020, 30 juin 2020, 6 avril 2023, 5 juin 2023, 11 juillet 2024, 18 août 2024.

Articles sur la rumeur de l'invention d'un télectroscope par Graham Bell
 

Articles dans les publications  et chroniques scientifiques  de l'époque.

 

  • BREGUET A., "Le photophone de Bell", La Revue scientifique, 25 septembre 1880, repris in  in Journal télégraphique, 25 septembre  1880.

 

  • "Physical Notes", Nature, November, 25, 1880 (Sur l'expérience menée avec Janssens d'écouter les sons de la surface solaire)

  • BELL, G. "Das Photophon. Vortrag." Gehalten auf der XXIX. Jahresversammlung der  Amerikanischen Gesellschaft zur Forderung der Wissenschaften zu Boston im  August 1880,   Aus dem Englischen, Verlag von Quant & Handel, Leipzig, 1880.

  • MERCADIER, E., "La Radiophonie", La lumière électrique, 1er janvier 1881.

  • "I. The Photophone", The Manufacter and Builder, January 1881,

  • "The Photophone", Appletons' journal: a magazine of general literature, Volume 10, Issue 56, D. Appleton and Company, New York, February 1881,  pp. 181-182

  • "Le photophone" in LEVY, A. Les nouveautés de la science, Hachette, Paris, 1883.

  • RANKINE A.O., "The Transmission of Speech by Light", Nature, 2 JUne 1923, pp. 744-745.

Déclarations de Graham Bell sur la vision à distance par l'électricité

  • "Seeing by Electricity"Chicago Record (July ou August 1894). Repris par de nombreux journaux en 1894-1895, dont Alexandria Gazette, 27 August 1894 et Electric Power, August 1894, p. 284

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