L'impact de la roue à miroirs
3ème partie (1930-1940)
L'appareil de René Barthélemy - Les autres appareils proposés en France
La roue à miroirs va connaître dans les années 30 sa troisième décennie d'expérimentation, la plus fructueuse et va même conduire à de véritable opérations de diffusion, en France et en Grand-Bretagne.
L'emploi de la "roue Weiller" dans le premier appareil de René Barthélemy (1930-1931)
L'électricien français René Barthélemy, impliqué, dès 1910, dans les développements de la T.S.F. puis de la radio, semble s'être intéressé à la télévision à partir de 1926. Les travaux de tâtonnement des années 1926-1930 sont relativement mal connus et il est probable que dans les premières années d'expérimentation, Barthélemy a eu recours au disque de Nipkow, utilisé par John Logie Baird dans ses premières démonstrations. Cependant, il . utilise un tambour de miroirs pour l'analyse lorsqu'il réalise sa célèbre démonstration réalisée à Montrouge le 14 avril 1931. Un certain flou existe dans l'historiographie française sur cette période :
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Contrairement à ce qu'on peut lire dans la plupart des ouvrages français d'histoire de la télévision, celle-ci n'est pas la première démonstration en France, car des démonstrations ont eu lieu au Cinéma Olympia avec le système Baird du 9 au 15 novembre 1930.
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Dans son article "French Progress in Television", (Television and Short Wave World, April 1939, pp.196-199). René Barthélemy lui-même date de 1929 la démonstration de son appareil et c'est également la date retenue par la Photothèque du Musée des Arts et Métiers. Mais jusqu'à présent, je n'ai identifié aucune attestation de l"époque confirmant cette date. Dans un article, plus contemporain des faits, paru dans La Science et la Vie en janvier 1931, le journaliste Victor Jougla indique que Barthélemy a commencé l'étude de son appareil en novembre 1929.
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Le biographe de l'inventeur, Michel Amoudry, indique la date d'octobre 1930 pour la première démonstration au sein de la Compagnie des Compteurs, pour laquelle travaillait Barthélemy, mais sans précision technique sur l'appareil utilisé.. Il date également de 1930 le témoignage du journaliste du Figaro Philippe Roland, évoquant le bruit de la roue de Weiller dans le laboratoire de Barthélemy, mais l'article paraît le 6 janvier 1938 et évoque une première visite à l'inventeur trois ans auparavant, soit en 1935 !
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Dans son premier brevet (FR681471), déposé le le 27 décembre 1928 et dans sa note du 10 novembre 1930 à l'Académie des Sciences, qui portent essentiellement sur un nouveau système de synchronisation, Barthélemy ne précise pas quel système il utilise pour l'analyse et pour la réception. Le brevet FR697932 sur le double balayage déposé par Barthélemy et J. Leduc le 25 septembre 1929 évoque un disque de balayage, mais pas de roue à miroir.
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Dans sa conférence du 5 juin 1930, "L'émission en télévision", Barthélemy dresse un état des lieux des méthodes d'analyse de l'image, mais n'indique pas de préférence claire pour l'une ou l'autre méthode. En ce qui concerne les "polyèdres tournants", il cite Boris Rosing avant Lazare Weiller, ce qui laisse penser que c'est le modèle du chercheur russe qui a attiré son attention sur ce modèle, plus que les miroirs tournants du théoricien alsacien. Il mentionne également l'appareil d'August Karolus recourant lui aussi à une roue de Weiller.
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Une roue à miroir n'apparaît pour la première fois que dans le brevet 721634, le septième de Barthélemy en matière de télévision, déposé le 4 novembre 1930. La référence à la roue de Weiller ne devient explicite que dans le brevet FR737940, Perfectionnements aux dispositifs d'analyse de télévision ou télécinématographie, le treizième de Barthélemy, déposé le 25 septembre 1931.
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La première mention dans la presse d'un appareil avec miroirs tournants apparaît dans l'article de Robert Houssat, "La Radiovision", le 5 novembre 1930. Le cylindre de trente miroirs est mentionné en janvier 1931 par Victor Jougla et la "roue de Weiller" par F. Honoré dans L'illustration en mars 1931 puis P. Hemardinquer dans La Nature en septembre 1931.
Dans ses premières démonstrations, Barthélmy utilise la "roue Weiller" pour l'analyse et un disque de Nipkow pour la réception. Un disque de Nipkow est préféré pour l'appareil de télécinéma.
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Schéma de l'appareil de Barthélemy in HONORE, F., "La vision à distance. La transmission d'images vivantes", L'Illustration, 28 mars 1931, pp.370-372.
Le tambour de miroir, partie inférieure de l'appareil de René Barthélemy (1929 ou 1930). dans la réserve du Musée des Arts et Métiers.
Photo :André Lange
La station complète d"émission (Television and Short Wave World, April 1939)
Schéma du brevet de René BARTHELEMY Perfectionnements aux systèmes optiques d'analyse et de reconstitution de télévision, télécinéma, téléimpression, etc., Déposé 4 novembre 1930, Délivré 10 mars 1932, FR721634
La roue à miroirs brièvment introduite par in HEMARDINQUER, P. , "La télévision. Historique. Principes. Etat actuel", La Nature, 15 septembre 1932,
Dans son brevet FR737940, Perfectionnements aux dispositifs d'analyse de télévision ou télécinématographie, déposé le 25 septembre 1931, Barthélemy constate qu'avec la roue de Weiler (sic), "lorsqu'on veut augmenter la finesse d'analyse, on est amené à accroître le nombre de miroirs, mais on est vite limité, dans cette voie par des questions de vitesse périphérique ou de dimensions de miroirs". Il présente donc une nouvelle invention qui évite ces inconvénients et permet d'augmenter la finesse d'analyse. "Ce sytème consiste dans la réunion, sur le même axe de rotation, de plusieurs roues de Weiler, comportant chacune un nombre réduit de grands miroirs, ces roues étant contiguës et parallèles, et placées sur le trajet du faisceau lumineux à projeter, convenablement étalé à cet endroit. Le nombre total des miroirs est égal au nombre de lignes d'analyses qu'on désire obtenir, mais on divise ainsi la vitesse périphérique qui serait donnée par un seul tambour portant tous ces miroirs, par le nombre de tambours calés sur l'axe."
Il n'est pas facile de déterminer quand Barthélemy a décidé d'abandonner la roue de Weiller. Dans l'article où il relate sa visite au laboratoire de Montrouge en 1935 le journaliste du Figaro Philippe Roland le bruit que fait la roue de Weiller. Mais dans la description du nouveau studio des PTT (La Nature, 1er septembre 1934), P. Hermadinquer indique clairment que l'émission est réalisée à partir d'un disque analyseur. Par la suite Barthélemy passera au système de télévision électronique.
Schéma du brevet FR737940, Perfectionnements aux dispositifs d'analyse de télévision ou télécinématographie, déposé le 25 septembre 1931, délivré le 19 décembre 1932.
Le récepteur Pathé-Natan (1932)
Passant en revue les différents systèmes en 1932, P. Hémardinquier écrit à propos de la "roue à miroirs de Weiller" : "Ce dispositif est très souvent utilisé à l'heure actuelle, mais rarement dans les systèmes d'amateur parce qu'il est d'une réalisation délicate et assez coûteuse. On l'emploie au contraire fréquemment dans les dispositifs industriels perfectionnés, surtout à l'émission".
De fait, Barthélemy ne fut pas le seul en France à recourir à la roue à miroirs. En novembre 1929, le producteur français Bernard Natan, qui avait reprit l Pathé Cinéma après la Première Guerre mondiale, s'associe avec John Logie Baird pour fonder la première compagnie de télévision de France, Télévision-Baird-Natan. Cette association ne produisit pas de résultats concrets immédiats, mais commercialisera en 1932 les brevets des appareils Baird avec disque de Nipkow auprès du studio de la station des PTT (1). En même temps, la société met sur le marché des récepteurs avec roue à miroirs inspirés du modèle utilisé par Baird depuis 1931 (2). Hemardinquer décrit ainsi cet appareil
(1) HEMARDINQUER, P. , "La télévision. Historique. Principes. Etat actuel", La Nature, 15 septembre 1932, p.251
(2) ibid.
Le récepteur Hardy à construire par les amateurs (1933)
Un an plus tard, le chroniqueur de La Nature, dans un article sur la radiovision pour amateurs (3), rend compte de l'arrivée sur le marché d'un récepteur à tambour de miroirs, conçu par René Hardy, et qui est à construire par les amateurs.
(3) HEMARDINQUER P., "Les progrès de la radiovision d'amateur", La Nature, 1er novembre 1933, pp.423-425., Suite, 15 novembre 1933, pp.469-473
Ce système est peu documenté et ne sembla pas avoir rencontré beaucoup de succès.