Phototélégraphie, télautographie,
téléphotographie ?
Un peu d'histoire lexicale
La confusion entre la vision à distance et la transmission d'images fixes
L'histoire des premières recherches sur la télévision peut difficilement être isolée des recherches sur la transmission par télégraphe, puis par radiotélégraphie (T.S.F.) d'images fixes : lettres de l'alphabet, dessins, cartes, photographies.
Dans les travaux des pionniers de l'âge du sélénium" tels que Constantin Senlecq, George R. Carey, C.M. Perosino, Shelford Bidwell, Raphael Eduard Liesegang, Benedict Schöffler, Jan Szczepanik la distinction n'est pas nette entre transmission d'images fixes et d'images animées, même si l'analyse des propositions montre que les systèmes arrivent à peine à formuler des hypothèses de transmissions de dessins. Les fantaisies scientifiques, canulars et autres dissertations imaginatives de journalistes ont contribué à faire croire que les hypothèses de téléphotographie conduisaient immédiatement à la vision à distance d'un interlocuteur ou de scénes vivantes.. C'est probablement l'allemand Arthur Korn qui a été le premier, en 1902, a exprimer clairement que la transmission de photographie était le préalable indispensable à la télévision. Jusqu'au milieu des années 20, des inventeurs tels qu'Edouard Belin ou E.W. Alexanderson ont cru que la télévision pourrait s'obtenir en accélérant les processus de captation et de transmission qui avaient été mis au point par la téléphotographie.
Il est important d'examiner les étapes historiques de la transmission d'images fixes, textes écrits, dessins, cartes puis photographie car c'est des travaux sur la transmission d'images fixes qu'ont été formulées les premières solutions à quelques uns des problèmes de base de la télévision : la transcription de l'image en signal électrique et la synchronisation de la station d'émission et de la station de réception.
Les télégraphes copieurs
Les "télégraphes copieurs" sont des systèmes de transmissions de caractères d'écritures ou de dessins reposant sur des mécanismes de crayons copieurs synchronisés.
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1843 : Alexander Bain - brevet de télégraphe électromagnétique imprimable. Bain a introduit les concepts de trame, de ligne de balayage et de pixel ainsi que la synchronisation entre l'émetteur et le récepteur.
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1848 : première démonstration d'un appareil de transmission d'image (avec une liaison Brighton-Londres) par Bakewell
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1862 : premier service de transmission d'images entre Lyon et Paris (pan-télégraphe de l'Abbé Caselli)
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1869 : service de transmission d'images entre Paris et Lyon (Meyer)
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1872 : expérience de transmission d'images entre Paris et Marseille (d'Arlincourt)
L'idée de la photographie à distance (1856)
Le grand photographe Nadar reproduit dans son article "Gazebon vengé", publié en 1891 dans la revue Paris-Photographe de son fils Paul et repris dans son livre de souvenirs Quand j'étais photographe (1900), l'amusante lettre qu'il a reçue en 1856 d'un certain Gazebon, propriétaire du café du Grand-Théâtre à Pau (1) :
"Monsieur, M. Mauclerc, artiste dramatique, de passage en notre ville, m'a fait voir ainsi qu'aux habitués de mon établissement son portrait daguerreotipé nous a t'il dit par vous à Paris, tandis que lui était aux Eaux-Bonnes (par le pro- cédé électrique.) « Plusieurs personnes qui ignorent les progrès de l'électricité se sont refusées à ajouter foi aux affirmations de M. Mauclerc dont pour ma part je n'ai pas douté un seul instant ayant un peu étudié le Daguerreotipe dans un temps. ( Je viens donc vous prier monsieur de me tirer mon portrait d'après le même procédé et de me l'envoyer le plus promptement possible. Recevant journellement la meilleure société et même un grand nombre d'Anglais surtout en hiver, je vous engage à appliquer tous vos soins à ce travail, ne pouvant que vous être favorable, beaucoup de personnes se proposant de vous écrire pour avoir aussi leur portrait. (c Je le désire tiré en couleur et s'il est possible assis à l'axe des tables de ma grande salle de billards. « J'ai l'honneur de vous saluer. Pau, le 27 août 1856. GAZEBON, Propriétaire du café du Grand-Théâtre, Grande-Place."
Nadar se gausse évidemment de cette demande naïve, mais il termine son article par une référence à la brochure de Raphael-Eduard Liesegang, Beiträge zur elektrischen Fernsehen, qui vient de paraître et dans laquelle son collègue allemand propose la transmission de photographies par un appareil qu'il désigne comme un Phototel. Cette anecdote illustre l'attente précoce d'une possibilité de faire et de recevoir des photographies à distance. Dans le présent article, nous ne visons pas à décrire l'évolution technique, mais la manière dont le lexique témoigne de ce mouvement.
Photo-télégraphy (1860)
Dès le 14 juillet 1860, le journal The Builder utilise l'expression electro-photo-telegraphy pour désigner le pantélégraphe de l'Abbé Caselli, même si celui-ci ne transmet pas des photographies mais uniquement des dessins et fait partie de ce qui sera désigné comme "télégraphes copieurs". En 1862, tele-photography est utilisé aux Etats-Unis pour désigner le système de télégraphe optique, utilisant des lampes, mis au point par William C. Bridges, mais encore une fois, il ne s'agit pas de transmission de photographies. (Proceedings of the Franklin Institute, 1862, p. 357)
Apparition du mot photo-télégraphe (1863)
Les expériences de transmissions des "télégraphes copieurs", permettant la transmission de dessins, menées par Bain, de Bakewell, de Caselli et la mise en service du pantélegraphe de Caselli à partir de 1863 ont fait imaginer que la transmission de photographies devrait être elle aussi possible. Présentant le sténo-télégraphe Morse de Victor Schruff, le chroniqueur A. Voiseux, dans Le Pays, 11 avril 1864, écrit :
"Nous avons aujourd'hui le sténo télégraphe? Qui sait si nous n'aurons pas un jour le photo-télégraphe. Utopie dira-t-on sans doute. Nous en convenons presque nous-mêmes, quoique nous puissions étayer ce que nous avançons sur des considérations assez logiques. Car en fin qui peut prouver que le courant électrique qui se manifeste par une vive étincelle à son point de départ et à celui de son arrivée n'est pas un jet de lumière dont la vitesse de propagation est si intense qu'il échappe à nos sens, et qu'au moyen de procédés photographiques il ne remplira pas les fonctions des rayons solaires? Une autre théorie de ce genre, la télégraphie acoustique, a déjà eu d'ailleurs un assez grand retentissement."
Eugène Godard et la phototélégraphie
Des "expériences de phototélégraphie" sont annoncées chez Eugène Godard en 1868 (L'Opinion nationale, 11 mars 1868). Eugène Godard était un aéronaute expérimenté, qui avait fait sa première ascension en 1847 et à qui Napoléon III avait "aéronaute de l'Empereur".. C'est en sa compagnie que Nadar réalisa ses photographies aériennes en 1858 et c'est peut-être ce dont il est question dans ces "expériences de phototélégraphie".(2)
Eugène Godard supervisa des opérations de reconnaissance aérienne en 1859 durant la guerre opposant la France à l’Autriche. En 1863, il fait construire un nouveau ballon, Le Colosse, (qui sera en définitive appelé L'Aigle) conçu pour les observations scientifiques et militaires et permettant l'immobilité parfaite nécessaire à la prise de vue photographique. (Le Peuple, 22 novembre 1863). Le 31 juillet 1867, à l'occasion d'une fête chez Camille Flammarion, Godard expérimente un télégraphe optique dont il est l'inventeur, "système simple et rapide qui serait surtout applicable en temps de guerre aux ballons captifs et aux navires d'observation". (Le Figaro, 2 août 1867). Le 2 octobre 1868, Godard fait à Nantes une conférence de démonstration de son système de télégraphe aérostatique, maritimes et militaires" (sic). (Le Phare de la Loire, 1er octobre 1868).
Il n'est pas clair si, chez Godard, les notions de "phototélégraphie" et de "télégraphie aérostatique" se recouvrent. Le couplage des vols de ballons et de la télégraphie optique avec télégraphe Chappe avait déjà été expérimenté durant la Révolution française. Les Américains ont cependant bien expérimenté les liaisons de télégraphie électrique à partir de ballons. (Voir Le Spectateur militaire., 1866, p. 106-110)
En 1870, Godard construisit une série de ballons destinés à transporter des personnes et du courrier hors de Paris alors assiégée. Mais sa contribution alla plus loin. Selon son arrière arrière petit neveu Philippe Foubert,
"Eugène avait inventé un système pour tenter de communiquer avec l'extérieur de la capitale un système de télégraphie optique adapté par ses soins à l'aérostation. Celui-ci était d'une très grande simplicité et n'exigeait qu'un personnel très restreint. Il était en outre sûr et rapide dans la transmission, ce qui était alors une qualité très appréciable. Il fonctionnait le jour entre deux points, à vue directe, ou entre deux points séparés par des obstacles (grâce à deux petits ballons captifs) au moyen d'un cyldindre se repliant sur lui-même; manoeuvré suivant une instruction particulière pour les signaux; de nuit, entre deux points séparés par une distance que n'était limitée que par la portée des rayons lumineux, au moyen d'un fanal dont on augmentait la puissance à l'aide de la lumière électrique, manoeuvré d'après un code (les ballons rendaient ici le même service qu'au cas précédent, ils servaient de transmetteurs et de récepteurs) ; enfin, en tout temps, mais à une moindre distance, au moyen d'instrument donnant un son défini. La transmission pouvait avoir lieu simultanément à plusieurs points de l'horizon". (3)
Un texte de Gastion Tissandier de 1875, Simples notions sur les ballons et la navigation aérienne, évoque les expériences de "télégraphie aérostatique" menées par l'armée américaine en 1862, mais il s'agit en fait de prises de photographie depuis des aérostats. On voit donc qu'une certaine imprécision terminologique régnait. Quoi qu'il en soit, en 1883, Eugène Godard présentait encore la "télégraphie aérostatique" au Théâtre Robert-Houdin en avril 1883 (La vie artistique, 1er avril 1883) et aux Arènes des Sports qu'il organise Place Saint-Ambroise en mars 1885 (Le radical, 16 mars 1885).
Des expériences de photo-télégraphie durant le siège de Paris (1870) ?
Il est fait mention dans Le Moniteur de la photographie du 1er octobre 1876 et dans le journal L'Univers, 3 octobre 1876, d'expériences sur des appareils photo-télégraphiques menées par le Ministère de la guerre et de la marine. Un article du journal Le Constitutionnel le 12 juillet 1878 mentionne que "Le photo-télégraphe, appliqué pendant la guerre, (c'est à dire la guerre franco-prussienne de 1870-1871) et sous sa forme primitive entre Paris et les forts, pour les communications militaires, et la télégraphie pneumatique, servant à l'envoi des dépêches manuscrites originales dans l'intérieur des villes de Paris et Berlin".
Il est probable que cette notion précoce de phototélégraphie correspondait en fait à des systèmes de télégraphe optique à base de projecteurs, dont Max de Nansouty a laissé une description très complète dans sa contribution au recueil Sciences et guerre. Un certain Maurat, enseignant, et le colonel Laussedat proposèrent le recours à un système de télégraphie par faisceau lumineux, utlisant les projecteurs Mangin, qui s'avéra efficace.
En 1886, Annuaire de la Société météorologique de France évoque les appareils de phototélégraphie utilisés par un corps d'officier au Pic du Midi; En 1898 encore La Petite République qualifiait de phototélégraphie un système de ce type, le Téléphoto, mis au point par M. Broughton pour les navires de la Marine américaine.
La microphotographie durant le Siège de Paris (1870) comme premier système de transmission à distance de photographies.
En fait, le premier système de communication à distance de photographie est la technique de "micro-photographie" ou des "dépêches microscopiques", mise au point par M. Dargon durant le Siège de Paris et évoquée par Saint-Edme, Legouvé, Tisserand, Figuier, Nadar et qui permettait de transmettre des photographies de dépêches véhiculées par des pigeons.(5)
Comme l'explique Saint-Edme,
"Dargon était parvenu à reproduire, sur une pellicule de collodion de 3 ou quatre centimètres de côté, 144 petits carrés contenant 1600 dépêches. Or la légèreté des pellicules permit d'en confier jusqu'à 20 à un seul pigeon; 20 fois 1600 font 32,000; on voit donc que le nombre de 30,000 dépêches portées par un seul pigeon, n'a rien d'exagéré. Pour augmenter les chances de succès, les dépêches étaient généralement tirées à 30 ou 40 exemplaires, et confiées à un nombre égal de pigeons portant chacun un exemplaire."
L'expérience a fortement marqué les esprits de l'époque, comme en témoignent pas moins de six gravures différentes représentant l'agrandissement des dépêches à la lanterne magique. (Voir ici).
Photographic telegraphy (1876)
A la fin de son ouvrage Merveilles de la photographie, (1874), Gaston Tissandier, directeur de la revue La Nature, grand vulgarisateur scientifique et qui a été impliqué dans les vols aérostatiques durant le Siège, imagine que les photographies pourront être transmises par télégraphe.



Télégraphe de Bain (1850) Source : Science Museum Group Collection

Chronologie de la transmission d'images fixes
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1843 : Alexander Bain - brevet de télégraphe électromagnétique imprimable
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1848 : première démonstration d'un appareil de transmission d'image (avec une liaison Brighton-Londres) par Bakewell
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1862 : premier service de transmission d'images entre Lyon et Paris (pan-télégraphe de l'Abbé Caselli)
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1869 : service de transmission d'images entre Paris et Lyon (Meyer)
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1872 : expérience de transmission d'images entre Paris et Marseille (d'Arlincourt)
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à partir de 1878 : nombreux projets de transmission d'images recourant aux propriétés photosensibles du sélénium
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1878 : Les contributions d'Adriano de Paiva : l'hypothèse du sélénium et la prescience de l'ubiquité
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1878-1879 : Denis D. Redmond, ohptalmologue réalise les premières expérimentations
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1880-1881 : Les premiers travaux britanniques sur la vision à distance (1880-1881) : J. Perry et W.E. Ayrton
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1881 : Shelford Bidwell réalise les premières démonstrations de télé-photographie recourant au sélénium
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1882 : proposition de balayage par prisme de Nicol (W. Lucas)
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1884 : Le télescope électrique de Paul Nipkow, breveté en 1885
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1885 : Première demande d'un brevet de téléphotographie (Gemmil)
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1898 : Brevet d'Henri Bauer
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1904 : phototélégraphie recourant au sélénium (Système Korn)
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1888 : telautograph (Elisha Grey)
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1890 : téléphanie d'Henry Sutton
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1891 : démonstration de phototélégraphie (Système Amstuz)
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1897-1901 : Telediagraph d'Ernest A. Hummel
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1899 : Brevet de Greville Williams (Transmission par T.S.F.)
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1901 : Expérience de W.J. Clarke (transmission hertzienne d'un dessin avec telediagraph)
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1904 : Brevet de Gregorio Pansa (tansmission sans fil d'autographes)
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1907 : phototélégraphie par télégraphe (Système Belin)
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1908 : Telautograph d'Arthur Korn
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1909 : Brevet de Garcia (transmission sans fil)
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1922 : phototélégraphie par T.S.F. (Système Belin)
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1922 : méthode indirecte par T.S.F. (Arthur Korn)

Pantélégraphe de Caselli

Dessin transmis par le pantélégraphe de Caselli
(1), NADAR, "Gazebon vengé", Paris-Photographe, Iere année, n°3, 25 juin 1881; pp.113-120 ; "Gazebon vengé (fin)", Paris Photographe, n°4, 25 juillet 1891, p.167-173. ; NADAR, Quand j'étais photographe, Flammarion, 1900. (Edition contemporaine : Texte intégral commenté par Caroline Larroche, A propos, 2017)

Photo stéréoscopique de Pau (entre 1862 et 1868) Source : Médiathèque de Pau / La Stéréothèque)

Schéma du Phototel de Raphaek Eduard Liesegang (1891)
![M_Eugène_Godard_Aéronaute___[...]Atelier_Nadar_btv1b53237775w.JPEG](https://static.wixstatic.com/media/0999d7_19fc851c3ee14725916726944ba5854a~mv2.jpeg/v1/fill/w_393,h_530,al_c,q_80,usm_0.66_1.00_0.01,enc_avif,quality_auto/M_Eug%C3%A8ne_Godard_A%C3%A9ronaute___%5B___%5DAtelier_Nadar_btv1b53237775w_JPEG.jpeg)
Eugène Godard, Photographie Studio Nadar (Source : Gallica / BNF)

L'Opinion nationale, 11 mars 1868

NADAR, Vue aérienne du quartier de l’Etoile, tirage d’après négatif verre au collodion humide 24 x 30 cm, 16 juillet 1868
(2) Nadar avait réalisé ses premières tentatives de photographies aérostatiques, qu'il a racontées dans "La première épreuve de photographie aérostatique", Paris Photographe, N°4, pp.155-160, n°5, pp.195-200, n°6, pp.245-248.. Mais c'est à partir de 1858 qu'il obtient ses premier succès et dépose un brevet pour l'usage de la photographie au lever de plans topographiques et aux opérations stratégiques militaires. Voir Hippolyte MEYER-HEINE, La photographie en ballon et la téléphotographie, Gauthier-Villars, 1899 ; Thierry GERVAIS, « Un basculement du regard, les débuts de la photographie aérienne, 1855-1914 », in Études photographiques, no 9, Paris, SFP, mai 2001, Anne LACOSTE, "La photographie aérostatique" in AUBENAS S. et LACOSTE A. (dir.), Les Nadar. Une légende photographique, Bibliothèque nationale de France, 2018, p.139.
(3) Philippe FOUBERT, "Une "famille en ballon : les Godard", Pégase, décembre 1981, pp.12-19

Poste de télégraphe optique dans l'armée française
(Couverture de La Science et la guerre, 1888)


Coupe du projecteur Mangin utilisé dans la télégraphie optique
(4) Max de NANSOUTY, "Télégraphie optique" in La Science et la guerre, Bernard Tignol, 1888. Voir également "Supplément au Télégraphe aérien", in
Louis FIGUIER, Les Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes, Jouvet, v.1 s.d.
(5) DARGON, La poste par pigeons voyageurs : souvenir du siège de Paris : Notice sur le voyage du ballon "Le Niepce" emportant M. Dagron et ses collaborateurs et détails sur la mission qu'ils avaient à remplir, Tours-Bordeaux, 1870-1871 ; Ernest SAINT-EDME, La science pendant le siège de Paris, Dentu, 1871, pp.85-95 ; Louis FIGUIER, L'Année scientifique et industrielle. 15e année (1870-1871), Hachette, 1872, pp.11-15, Ernest LEGOUVE, "Sur un album photographique", in Conférences parisiennes, Hetzel, 1872, p.345 ; NADAR, "Photographie obsidionale", Paris-Photographe,n°7, 25 octobre 1891, pp. 315-320. Repris dans NADAR, Quand j'étais photographe, Flammarion, 1900. (Edition contemporaine : Texte intégral commenté par Caroline Larroche, A propos, 2017)
Voir également, L. FIGUIER, Les merveilles de la science, ou Description populaire des inventions modernes. 5-6, Suppléments. 5 , s.d; (v.1875) ; C., BONTEMPS, Les systèmes télégraphiques, Dunod, 1876 ; P. LAURENCIN, Le télégraphe terrestre, sous-marin, pneumatique : histoire, principes, mécanismes, applications, règlements, tarifs, etc, J. Rotschild, 1877 ; F. MALLET, Les aéronautes, les colombophiles du siège de Paris, F. Vivien, 1909.



Feuille de dépêche microscopique in P. LAURENCIN, Le télégraphe terrestre, sous-marin, pneumatique : histoire, principes, mécanismes, applications, règlements, tarifs, J. Rotschild, 1877
Gaston TISSANDIER, Merveilles de la photographie, Hachette, 1874.

Illustrations de la micro-photographie par pigeons voyageurs durant le siège de Paris (1870) in Gaston Tissandier, Les merveilles de la photographie, par Gaston Tissandier, Hachette, 1874
L'index de la traduction en anglais du livre de Tissandier, A History and Handbook of Photography, aux soins de J. Thompson paraît à Londres en 1876 fournit ce qui est probablement la première occurrence de "photographic telegraphy". Le traducteur paraît convaincu par la propopsition de Gaston Tissandier et ajoute en note : "I believe that there is nothing Utopian in the notion that, ere long, means will be discovered of telegraphing a photograph from one end of the earth to the other ; a most desirable consummation for the Metropolitan Police, and for the • Illustrated London News' and 'Graphic.'..."
Tissandier lui-même n'avait pas utilisé l'expression "Ptotographie télégraphique". Celle-ci n'apparaît dans la presse française qu'à l'occasion de la divulgation des expériences de Shelford Bidwell en 1881.
En allemand, le terme "telegraphische Photographie" apparaît dans le journal viennois Die Neue Press le 6 mars 1878.
Le petit article de Die Neue Press donne lieu à un débat à la Société autrichienne de photographie, que rapporte le British Journal of Photography le 4 octobre 1878.
Telefotografo (1878), téléphotographe (1881), tele-photography (1881)
En 1878, l'Italien Carlo Mario Perosino est le premier à appeler son appareil un telefotographo.
En février 1880, les américains McTighe et Connelly introduisent le terme telephote ou telephote-telicon ou telopticon. Téléphote est repris dès le 1er avril 1880 en français par E. Hospitalier, dans un article rendant compte de cette proposition.
Le terme tele-photography apparaît en Angleterre en 1881, comme titre d'un des premiers articles de Shelford Bidwell (Nature, 10 Février 1881). Les mots téléphotographe et téléphotographie apparaissent en français dans un article de Th. du Moncel dans La Lumière électrique du 19 mars 1881 à l'occasion de la présentation des travaux de Shelford Bidwell. (Voir également (Le Temps, 25 mars 1881 ; Le Rappel, 25 mars 1881). C'est également la référence aux travaux de Bidwell qui fait entrer le mot Téléphotographie dans la langue allemande. (Beiblätter zu den Annalen der Physik und Chemie. ... bd. 5 (1881).
Les travaux de Bidwell n'ont pas de suite immédiate et le terme ne s'établit pas vraiment. SI le Meyer Lexicon allemand, en 1888, lui réserve une entrée avec référence à Bidwell, Ernest Jacquez l'utilise une fois dans son Dictionnaire d'électricité et de magnétisme; étymologique, historique, théorique, technique avec la synonymie française, allemande & anglaise, 1887 mais ne lui consacre pas d'entrée, alors qu'il en réserve une à télectrososcope.
Second sens de téléphotographie (1889)
Cette absence d'utilisation conduit à l'apparition d'un second sens, à partir de la fin des années 1880 (1889 apparemment) : le terme téléphotographie va être utilisé pour désigner la photographie recourant au télé-objectif. Les premières expériences de recours à des procédés permettant de recourir à des vues amplifiées remontent aux années 1850, mais les travaux de Lacombe (1886) puis de Fribourg et Allote de la Fuye imposent l'idée du téléobjectif. Cet usage est validé par le Congrès international de photographie de 1889. Il est utilisé à partir de 1892 par les revues spécialisées de photographie (Bulletin du Photo-Club, Paris Photographe,...) C'est dans ce sens que l'utilise par exemple le capitaine du Génie F. Bouttiaux, dans son article "La téléphotographie en ballon", Revue de l'Aéronautique, 1894 ou encore en 1900, Gustave Eiffel dans un ouvrage détaillé sur sa tour. (La tour de trois cent mètres).
Le même usage se trouve en anglais.
Ce sens nouveau s'impose rapidement dans la presse professionnelle et la presse grand public.
Phototélégraphie, facsimile telegraph
Téléphotographie s'imposant pour désigner la photographie recourant au télé-objectif, c'est le terme "phototélégraphie" qui va réapparaître pour la transmission des images à distance.
Aux Etats-Unis, l'occurrence la plus ancienne de "photo-telegraphy" pour désigner la transmission des images apparaît en août 1879 dans une citations des travaux de George R. Carey dans la revue The Locomotive Firemen's Monthly Magazine. p.236. Je ne
le retrouve qu'en 1882 à l'article "Photography" de la Spons' Encyclopædia of the Industrial Arts, Manufactures, and Commercial : "The day indeed may be not be distant when photo-telegraphy may become an accomplished fact, when it will be possible to telegraph a portrait from one continent to one other".
Il semble que le mot photo-telegraphy apparait ensuite en Europe en avril 1880 à l'occasion d'une présentation à la Physic Society of London des travaux du Professeur George Minchin sur le caractère photosensible du selenium. Quelques mois plus tard, le correspondant londonnien du journal de Plymouth Western Daily Mercury, 13 December 1880) rapporte qu'il a eu un entretien avec un responsable de l'American Cable Company qui annonce que les nouveaux câbles transatlantiques vont être posé par l'entreprise et que l'entreprise a passé un accord exclusif avec un électricien de Dublin pour une amélioration définie comme extraordinaire et qui aurait été présentée quelques mois auparavant devant un petit groupe de personnes à Londres. L'inventeur propose de "flasher" en un instant une colonne ou une page de journal d'une taille ordinaire, par une nouvelle application de phototélégraphie ("by a new adoption of photo-telegraphy"). Il est possible que cet inventeur soit le Professeur Minchin, qui était irlandais.
Le mot phototélégraphie réapparait en français en 1886 dans un article du Moniteur de la photographie qui rend compte de cette proposition d'appareil. Il va devenir plus fréquent que téléphotographie, mais celui-ci ne disparaît pas complètement. L'auteur anonyme de "Téléphonotagrahie et phototélégraphie" dans le Journal des économistes note :
"A la vérité le nom définitif de l'invention n'est peut-être pas encore trouvé, ou tout au moins adopté : les uns parlent de téléphotographie, les autres de photo-télégraphie, tout le monde s'entend du reste. Cependant il y a bien deux chioses différentes qui font l'objet de désignation un peu confuses. Il y a déjà longtemps que l'on a trouvé le moyen de photofraphier à très longue distance, par exemple des sommets montagneux peu facilement accessibles, et cela en adjoignant à l'appareil photographique une façon de télescope, qui agrandit l'image à des proportions suffisantes, avant qu'elle passe par l'objectif de l'appareil photographique proprement dit, et vienne impressionner la plaque sensible. Pour cela, les gens d'esprit exact voudraient voir réserver le mot de téléphotographie à distance, ou à l'aide d'un télescope. Au contraire on emploierait l'expression phototélégraphie pour la transmission télégraphique d'une image photographique. Nous allons voir que dans les appareils que nous avons en vue, ce n'est pas toujours une image photographique proprement dite que le courant électrique transmet par des conducteurs télégraphiques (ou téléphoniques). En tout cas, en matière de langage, c'est le plus souvent l'usage qui fait loi, en dépit des racines et des motifs scientifiques. Mettons pour l'instant télé- photographie, puisque c'est le mot le plus usité."
Par télautographie, on entend surtout à la fin du XIXème siècle les appareils de transmission d'images s'inscrivant dans la tradition des "télégraphes copieurs" de Bain, de Caselli ou celui, plus récent, de Amstutz (1891, 1894). a télautographie n'est pas un terme nouveau. Il est entré dans la langue française en 1887, à l'annonce de l'appareil d'Elisha Gray, qui sera présenté à l'Exposition universelle de Chicago en 1893. On le trouve déjà en Angleterre, dans un article de The Standard en 1878. Comme il s'agit de transmission de dessin au trait ou de manuscrits, on a considéré rétrospectivement que les appareils de Bain, Bakewell et le pantélégraphe de Caselli relevaient de la télautographie. Le terme a été encore été utilisé pour désigner l'appareil de l'italien Luigi Cerebotani, puis un perfectionnement de l'appareil de Gray par Forster Ritchie (présenté par Lipmann à l'Académie des Sciences en mars 1901) ou des appareils inventés par des Français tels que Brouer (1902) ou Berjonneau (1907) ou allemand tels que les allemands Grühn (1905) ou Gustav Grzanna (1908).
En 1895, lorsque Willoughby dépose une demande de brevet pour un système de transmission de dessin, qui sera brièvement utilisé par le San Franciso Call, il le désigne également comme "photo-telegraphy".
En 1929, R. Mesny l'utilise encore téléphotographie dans le titre de sa Conférence à la Société française des électriciens, "La téléphotographie d'amateur". Les dictionnaires de la seconde moitié du XXème siècle témoignent de la prolongation des deux sens.
La même substitution se produit en allemand. Dans un ouvrage consacré à la téléphotographie (Die Fernphotographie, 1897), F. Paul Liesegang note : "Le terme "téléphotographie" était également utilisé dans le passé pour la phototélégraphie, c'est à dire la transmission d'une image de lentille sur de grandes distances au moyen d'un courant électrique. La téléphotographie et la phototélégraphie ont le même objectif : nous rendre indépendants des limitations de l'espace." Phototelegraphie va également s'imposer pour désigner la transmission des images à distance. On le trouve, par exemple en 1898 dans la brochure du Major autrichien Benedict Schöffler, Die Phototelegraphie und das Elektrische Fernsehen.
On voit aussi apparaître le terme de facsimile telegraph (pour désigner notamment les appareils de Hummel (et de Donlany) (Voir par exemple le chapitre "Automatic Facsimile Telegraph System" dans le recueil Telegraphy, 1901).
A quelle téléphotographie se sont intéressés les frères Lumière en 1900 ?
La polysémie du terme téléphotographie n'est pas sans entraîner des contresens chez les historiens. Un échange de lettres en mai 1900 entre Aimé Laussédat, Directeur du Conservatoire national des arts et métiers et Auguste Lumière évoque les essais de téléphotographie que mène celui-ci à l'époque. Les éditeurs de la correspondance commentent : "La Téléphotographie est l'ancêtre du bélinogramme. On remarque que les frères Lumière s'intéressent aux applications les plus diverses de la photographie. (...)". Il ne serait pas inconcevable qu'en 1900 les frères Lumière s'intéressent en effet à la transmission des images, question régulièrement traitée par les revues de photographie. Cependant, les termes des lettres de Laussédat qui évoque la photographie de reconnaissance topographique dans le contexte d'une exposition de métrophotographie indiquent clairement que c'est bien d'expérience de téléphotographie au téléobjectif qu'il est question et non de transmissions de photographies à distance. Telle était d'ailleurs la grande spécialité, depuis 1852, du Colonel Laussédat, auteur d'un ouvrage L'Art de lever les plans (1893).et connu pour son utilisation du téléobjectif pour la mesure de la hauteur du château de Vincennes.
Telautographie, phototelegraphie : les distinctions d'Arthur Korn
La distinction entre téléphotographie et télévision ne comemnce à se décanter que durant la première décennie du XXe siècle. Plusieurs des appareils présentés par Constantion Perslyi, au Congrès international de l'Electricité (Paris, 1900), dans son état de l'art "Télévision au moyen de l'électricité", qui introduit le mot "télévision" dans la langue française et anaglaise, sont en fait des appareils de transmission d'images fixes.
Le Professeur de l'Université de Munich Arthur Korn est le premier à réussir, dans les années 1902-1907, des expériences de transmission de photographies recourant aux propriétés du sélénium et il insiste sur la complexité plus importante de la vision à distance parr rapport à la transmission d'image fixe.. Il utilise d'abord le terme de Fernphotographie puis va opter pour le terme de Phototelegraphie qu'il oppose, dans ses écrits la Telautographie. Pour lui, la Phototelegraphie suppose le transfert de l'image en signal électrique par recours au sélénium et permet la transmission des demi-teintes, alors que la Telautographie, dans la filiation Bain / Bakewell / Gray permet uniquement la transmission de dessins et de textes manuscrits : "il ne s'agit pas de supprimer des éléments teintés d'une image, par exemple envoyer une photographie au loin à l'aide de courants quantitativement gradués, comme cela est nécessaire pour la phototélégraphie. il s'agit plutôt du transfert de dessins au trait, d'écriture manuscrite, etc." Son ouvrage majeur, publié en collaboration avec Glatzel en 1911, s'appelle Handbuch der Phototelegraphie und Teletaugraphie.
La démonstration en novembre 1907 par Edouard Belin d'un système ne recourant pas au sélénium mais permettant la transmission des demi-teintes par un procédé analysant le relief des épreuves photographiques relève pourtant des procédés de télautographie. Mais le succès de Belin, désigné comme téléphotographie, va imposer ce terme dans la langue française et telephotography dans la langue anglaise. Korn va dès lors recourir en allemand au terme de Bildtelegraphie pour désigner l'ensemble des différents procédés, y compris celui de la transmission sans fil, par recours à la "méthode indirecte" par chiffrage des images qu'il expérimente à partir de 1922 et que des auteurs allemands vont désigner comme Bildfunk alors qu'en anglais prévaut l'expression wireless telephotigraphy et en français transmission d'images sans fil. L'hypothèse de la transmission des images sans fil est formulée par Nikola Tesla dès 1893, mais comemnce à se développer à la fin du 19ème siècle dans le prolongement des expériences de Marconi et de Popoff.
Le terme télécopie apparaît en français dans les années 1960 pour désigner les procédé de reproduction à distance de documents graphiques (texte, dessin, photographie) sous la forme d'un autre document géométriquement semblable à l'original, par l'intermédiaire de terminaux raccordés au réseau téléphonique et rend désuet le terme de "télégraphie fac-simile" qui était utilisé dans les années 1950 en utiulisant le terme de fac-simile qui était apparu en 1808. Dans la langue anglaise fax inclut la notion de transmission et l'historien John Coopersmith présente le fax comme un héritier de la telephotography.
André Lange, 20 décembre 2024, 12 janvier 2025

Die Neue Presse, 6 März 1878

British Journal of Photography l4 October 1878.

Le telefotografo de Carlo Mario Perosino
(Musée RAI à Turin)

L'appareil de telephotographie de Shelford Bidwell (1881)

J. FERAT, "Téléphotographe", in E. DESBEAUX, Physique populaire,
Librairie Marpon et Flammarion, Paris, 1891
'La phototélégraphie", in DILLAYE F., Les Nouveautés photographiques : complément annuel à La théorie, la pratique et l'art en photographie, Paris, 1893, pp. 219-222 ; PERRY N.W., "Phototélégraphie", Photo-gazette, 25 septembre 1895, p.215-217 ; 'La phototélégraphie" in DILLAYE F., Les Nouveautés photographiques : complément annuel à La théorie, la pratique et l'art en photographie, Paris, 1896, pp.208-216

A. ROBIDA, La plaque téléphotographique in P. GIFFARD, La guerre infernale, Editions Méricant, Paris, 1908.
Lettres d'Aimé Lausséadat à Auguste Lumière, 8 et 18 mai 1900, in Auguste et Louis LUMIERE, Correspondances 1890-1953, Edition établie et annotée par Jacques Rittaud-Hutinet avec la collaboration d'Yselise Dentzer, Cahiers du cinéma,, 1994, p.172

A. KORN und B. GLATZEl, Handbuch der Phototelegraphie und Teletaugraphie.1911

BRETHES J.C., Histoire de la télécopie, Coll. "Que sais-je", P.U.F., 1995

COOPERSMITH J. Faxed. The Rise and Fall of the Fax Machine, John Hopkins University Press, 2015.