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Constantin Senlecq (1842-1934), 
le pionnier français de la transmission 
des images à distance.

Une biographie méconnue

Constantin-Marie Senlecq (Fauquembergues, 1842 - Ardres, 1934)  est une figure mythique de l'histoire de la télévision. Senlecq est, avec l'Américain George R. Carey et l'Allemand Paul Nipkow, le chercheur du 19ème siècle le plus souvent cité dans les histoires de la télévision. En France, en particulier, toute histoire de la télévision digne de ce nom se doit d'y faire référence en préambule, sans s'inquiéter de mettre sa contribution en contexte. 

 

Constantin Senlecq est le fils de Théodore Zacharie Senlecq, distillateur à Fauquemberges et de Euphrosine Bouffe, fille d'un chirurgien. Robert Champeix lui a consacré un chapitre dans son ouvrage Savants méconnus. Inventions oubliées, en se basant sur le témoignage d'un des fils de Senlecq, M. Théodore Senlecq. Bien qu'imparfaite et basée sur un témoignage oral non vérifiable, la contribution de Champeix a le mérite de nous proposer une explication sur les origines de l'intérêt de Senlecq pour les questions de télécommunication et divers éléments intéressant sur la vie de l'inventeur.

   

Selon Champeix, "Constantin Senlecq naquit en 1842 à Fauquembergues, en Artois. Après de très bonnes études secondaires, il s'inscrivit à une école de notariat à Saint-Omer. Dans le petit restaurant où il avait pris pension, fréquentait également un colonel, commandant le régiment du génie en garnison dans la localité. Cet officier, ancien polytechnicien, avait fait de la galvanoplastie son violon d'Ingres, et inocula ce microbe à son jeune commensal. Ses études terminées, ce dernier acheta une charge de notaire à Ardres, gros bourg de l'Artois qui eut l'honneur d'être, sous François Ier, le siège du fameux Camp du Drap d'Or. Tout en rédigeant actes et contrats, Constantin Senlecq continua - pour se distraire - à étudier les lois régissant les dépôts métalliques par l'électrolyse, et mit au point un vernis conducteur permettant de faire de la galvanoplastie sur végétaux.
 

Sur ses entrefaites, vers 1875, il eut à rédiger la succession d'une personne décédée en Angleterre. Comme il se méfiait des hommes de lois britanniques, il décida alors d'apprendre l'anglais, et pour se perfectionner dans cette langue il s'abonna à la célèbre revue Scientific American, ce qui lui permettait par la même occasion de se tenir au courant des dernières inventions en matière de physique. Un des premiers numéros qu'il reçu faisait état d'une invention faite récemment par un certain Graham Bell, et grâce à laquelle ce dernier était parvenu à transmettre électriquement la parole le long d'une ligne télégraphique. On appelait cela le téléphone. La même revue donnait par ailleurs de nouvelles précisions relatives à l'influence de la lumière sur la conductibilité électrique du sélénium, phénomène constaté, (...) trois ans plus tôt."

    

Le récit est compatible avec la réalité observable des articles publiés dans le magazine américain. Selon le biographe de Bell, R.V. Bruce, Scientific American ne rendit pas compte du téléphone de Bell avant son numéro du 9 septembre 1876 (soit près de six mois après l'article du New York Times du 22 mars 1876 qui révéla la première transmission réussie par Bell). Par contre, Scientific American rend compte de la découverte de Willoughby Smith sur les propriétés du sélénium dès le 29 mars 1873, mais c'est plus probablement les différents articles publiés, à partir du 1er avril 1876, sur les expériences des frères Siemens et leur proposition d'un oeil artificiel électrique qui ont retenu l'attention du notaire. Cependant, dans la lettre que Senlecq envoie en octobre 1880 à La lumière électrique, et donc cette revue rend compte dans son numéro du 1er novembre 1880, il mentionne, plutôt que la lecture de Scientific American, celle d'un livre anglais The year book of facts in science and the arts for 1876. Cet annuaire,  publié par James Mason à Londres, devait en fait être paru - et parvenu en France - dans le courant de 1877.

Essai de chronologie sur la contribution de Senlecq sur la vision à distance et sur sa propagation

   

Un débat existe depuis les origines sur la priorité d'idée entre l'Américain George R. Carey, le Portugais Adriano de Paiva et Constantin Senlecq en ce qui concerne la possibilité d'utiliser le sélénium pour la transmission des images. Ce débat a été lancé par les protagonistes eux-mêmes : Adriano de Paiva, dont les premières contributions remontent à mars 1878, publie en 1880 La téléscopie électrique basée sur l'emploi du sélénium et Senlecq lui répond, en 1881, avec sa brochure Le télectroscope. Les deux auteurs publient en annexe de leur brochure respective une sorte de dossier de presse, bien utile pour repérer les textes les concernant.

   

Il nous paraît important, avant toute chose, de faire le point sur les documents qui nous sont connus, afin d'établir la chronologie la plus rigoureuse possible. Pour resituer cette chronologie dans l'ensemble des propositions de l'époque, on se reportera à la liste chronologique des publications des années 1873-1879 et 1880-1889.

Dans sa brochure Le télectroscope, Senlecq indique que l'idée d'utiliser le sélénium lui est venue "dans le courant de l'année 1877". Il formule la même revendication dans sa lettre à La Lumière électrique, publiée par  cette revue dans son numéro du 1er novembre 1880 et dans sa demande de brevet, déposée en 1907. Dans ce cas, il pourrait revendiquer l'antériorité par rapport à de Paiva, dont la première publication date de 1878 (DE PAIVA, A., "A telefonia, a telegrafia e a telescopia" in O Instituto - revista científica e literária, Março de 1878.  Mais il n'existe aucune preuve écrite de cela. Si il fallait se fier uniquement à la bonne foi des inventeurs, il faudrait alors créditer George R. Carey de la primauté, puisqu'il a prétendu, dans son carnet de note,  avoir pensé à sa caméra électrique au sélénium dès janvier 1877.

Novembre 1878

 

La première communication publique de Senlecq est, selon lui, sa prise de contact par lettre avec le Comte Th. du Moncel, qui incarne à l'époque en France la figure de référence des recherches sur l'électricité et les télécommunications.  Cette lettre, dont tout indique qu'elle date de novembre 1878, est probablement perdue, mais est mentionnée par du Moncel dans son article "La télescopie électrique", La lumière électrique, 1er octobre 1880 et par Senlecq dans sa lettre "A propos du télectroscope", La lumière électrique, 1er novembre 1880. Du Moncel nous indique quant à lui qu'il a attendu la démonstration de Shelford Bidwell pour porter crédit aux travaux de Senlecq.(2)

Décembre 1878

 

Dans le dossier de presse de sa brochure de 1881, Senlecq mentionne, mais sans reproduire l'article, le magazine Science pour tous. du 7 décembre 1878, le premier paru sur son appareil de Senlecq. L'existence de cet article rend plausible la datation de novembre 1878 de la lettre à du Moncel précitée. Cet article est reproduit  dans le Bulletin de la société française de photographie, 1879.(3)

Janvier 1879

Le 15 janvier 1879, le journaliste Victor Meunier publie dans Le Rappel une "Causerie scientifique", qui décrit une "autre merveille", le télectroscope de Constantin Senlecq. Celui-ci reprendra l'extrait de l'article de Meunier qui concerne son invention dans la brochure Le télectroscope, en le présentant comme une simple "note". (4)

 

Un autre article, probablement du à l'abbé Moigno,  paru le lendemain, 16 janvier dans Les Mondes (5). Il indique que "M. Senlecq, d'Ardres, a récemment soumis à l'examen de MM. du Moncel et Hallez d'Arros un projet d'appareil destiné à reproduire télégraphiquement à distance les images obtenues dans la chambre noire. Cet appareil serait basé sur cette propriété que possèderait le sélénium d'offrir une résistance électrique variable et très sensible selon les différentes gradations de lumière.". Suit une description du télectroscope, la plus ancienne qui nous soit connue.

"L'appareil consisterait dans une chambre noire ordinaire contenant au foyer une glace dépolie et un système de transmission de télégraphe autographique quelconque. La pointe traçante du transmetteur destinée à parcourir la surface de la glace dépolie serait formée d'un morceau de sélénium maintenu par deux ressorts faisant pince, isolés l'un avec la pile, l'autre avec la ligne. La pointe de sélénium formerait le circuit. En glissant sur les surfaces plus ou moins éclairées de la glace dépolie, cette pointe communiquerait, à des degrés différents et avec une grande sensibilité, les vibrations de la lumière.

 

Le récepteur aurait également une pointe traçante en plombagine ou en crayon à dessiner très doux, reliée à une plaque très mince de fer doux maintenue à peu près comme dans les téléphones Bell, et vibrant devant un électro-aimant gouverné par le courant irrégulier émis dans la ligne. Ce crayon, appuyant sur une feuille de papier disposée de manière à recevoir l'impression de l'image produite dans la chambre noire, traduirait les vibrations de la plaque métallique par une pression plus ou moins accentuée sur cette feuille de papier. La pointe traçante en sélénium parcourrait-elle une surface éclairée, le courant augmenterait d'intensité, l'électro-aimant du récepteur attirerait à lui avec plus de force la plaque vibrante, et le crayon exercerait moins de pression sur le papier. Le trait, alors formé, serait peu ou point apparent. Le contraire se produirait si la surface était obscure, car la résistance du courant augmentant, l'attraction de l'aimant diminuerait et le crayon, pressant davantage le papier, y laisserait un trait plus noir.

   

M. Senlecq pense arriver à simplifier encore cet appareil en supprimant l'électro-aimant et en recueillant directement sur le papier, au moyen d'une composition particulière, les différentes gradations de teintes proportionnelles à l'intensité du courant électrique."

Divers articles sont publiés de janvier à mars 1879 qui font écho à cette brochure, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en France. (6)

Mars 1879 

 

Le notebook de George R. Carey comporte la copie du lettre confidentielle que Carey adresse le 12 (?) mars 1879 à Munn & C°, l'éditeur du Scientific American. Dans cette lettre Carey écrit "I see by the Scientific American of March 8th 1879 that M. Senlecq of Ardere (sic) has invented an instrument called by him a "telectroscop" based on the well known property possesed by Selenium of offering a variable and very sensitive electrical resistance according to the different gradation of light. I invented the above in Jan. 1877". Carey en vient ainsi à proposer à Scientific American la publication d'un descriptif de son propre appareil. Le journal ne donne pas suite immédiatement à sa proposition.

 

 

 

Mai 1879 

En mai 1879, Scientific American, dans un très bref article, revient sur le télectroscope de Senlecq et l'associe à celui de George R. Carey, cité pour la première fois.(7) 

Dans les mois qui suivent divers articles dans la presse américaine évoquent encore Senlecq, qui, en retour, sont cités dans la presse française..(8)

 

Septembre - octobre 1879

 

L'information sur le télectroscope arrive en Espagne, grâce à un article de La Epoca, qui est repris quelques jours plus tard, au Portugal, par O Commercio de Porto. (9) Cet article provoque la réaction d'Adriano de Paiva, qui réalise que sa proposition de 1878 est méconnue dans sa propre ville alors qu'un inventeur français est évoqué. Trois jours plus tard, le Professeur obtient la publication d'un article sur sa propre proposition.(10).

Mai 1880

Le canular du diaphote du Dr. Licks circule en France. A cette occasion, Victor Meunier rappelle la proposition de Senlecq. (11)

Juin 1880

La rumeur circule que Graham Bell va déposer un appareil de vision à distance. En Angleterre, Ayrton et Perry s'inquiètent du monopole qu'il pourrait en tirer et publient eux même leur premier article sur la question. A Paris, le Comte du Moncel, analysant les différentes propositions anglo-saxonnes récentes  sur la transmission des images et les utilisations du sélénium (12), se souvient d'avoir reçu en 1878 "une communication bien raisonnée d'une personne dont j'ai oublié le nom" dont il croit se "souvenir que cette communication a été insérée dans le journal Les Mondes; mais j'en ignore la date". Il s'agit, de toute évidence, de la communication de Senlecq.

Automne 1880

C'est probablement en septembre 1880 que de Paiva publie, en français, la brochure qui vise à établir la priorité de son idée sur celle de Senlecq (13). Du Moncel en rend compte en octobre (14). Du Moncel crédite volontiers de Paiva de l'antériorité de son idée, sur base de la publication des différents articles que contient la brochure. Grâce à de Paiva, du Moncel retrouve même le nom de Senlecq, dont il reconnaît qu'il l'avait oublié dans son article du 1er juin 

C'est au tour de Senlecq de se sentir ignoré dans son propre pays au bénéfice d'un concurrent étranger. Il envoie à la revue de du Moncel une lettre qui est publiée le 1er novembre.(15) C'est dans cette lettre que Senlecq date son idée de 1877. Il y affirme également avoir obtenu quelque succès dans ses expériences : "Après nombre d'essais et de tâtonnements, j'arrivai enfin à obtenir, avec un appareil bien rudimentaire, sur une simple ligne toutefois, mais avec toutes les graduations de teinte, la reproduction d'une surface ombrée (du noir au clair), dont l'image venait se former sur le chassis d'une chambre photographique. Alors j'eus la certitude que mon système était réalisable".

Senlecq intervient aussi probablement auprès de la presse britannique comme l'atteste un article paru en février 1881 dans la revue The Electrician. (16). Dans la présentation de cet article, il est affirmé que l'appareil a été inventé au début de 1877 par C. Senlecq. Il est également fait référence à l'ample écho que cette proposition a trouvé dans la presse en Europe et aux Etats-Unis. Il est affirmé que l'appareil aurait été au centre des préoccupations de MM. Ayrton, Perry, Sawyer à New York, de M. Sargent à Philadelphie, de M. Brown à Londres, de M. Carey à Boston, de M. Tighe à Pittsburgh et de M. Graham Bell lui-même. 

 

Après cette introduction - qui surévalue le caractère central de la proposition de Senlecq - suit une description beaucoup plus détaillée du télectroscope que celle publiée en 1878 et, pour la première fois, illustrée de graphiques soigneusement gravés. Cet article aura une importance non négligeable sur les développements à venir car Paul Nipkow le cite comme une de ses sources d'inspiration.(17)

Mars 1881

Avec près de cinq mois de retard, Th. du Moncel (18) répond à la lettre de Senlecq du 1er novembre 1880 en expliquant que, si, à la différence de Les Mondes et de The Electrician il n'a pas publié la proposition du notaire d'Ardres, c'est qu'il "s'est fait un devoir de ne décrire avec détail que des inventions et expérimentées". Il accorde dans le même article beaucoup plus d'importance aux travaux de l'anglais Shelford Bidwell. Victor Meunier présente également les travaux de Bidwell, tout en rappelant toutes les propositions précédentes.(19) 

Avril 1881

La reconnaissance de Senlecq dans le monde anglo-saxon s'accroît : le 19 avril 1881, Scientific American reprend dans son Supplement l'article déjà paru dans The Electrician et dans English Mechanic and World of Science.'(20)

 

Cette reconnaissance dans la presse anglo-saxonne et probablement la perspective de l'Exposition internationale d'électricité qui s'ouvre à Paris le 15 août 1881 ont décidé Senlecq d'éditer à compte d'auteur sa brochure Le télectroscope sur le modèle de celle que de Paiva avait publiée en 1880. Comme de Paiva, il accompagne sa publication d'une revue de presse. Assez curieusement les dessins sont tracés à la main, dans une forme probablement antérieure à celle plus élaborée, parue dans l'article de The Electrician

La publication ne semble guère avoir accru la notoriété de Senlecq auprès de la presse généraliste. Dans sa "Revue électrique", publiée à l'occasion de l'Exposition de l'Electricité, Le supplément littéraire du dimanche du Figaro publie un petit article intitulé "Le télectroscope". Senlecq n'est pas cité et l'appareil n'a pas encore droit à un dessin dans la série de caricatures proposée par le journal. L'article est consacré au télectroscope avec une réflexion sur les perspectives que l'appareil offre pour la transmission de spectacles d'opéra. On ne trouve dans l'hémérothèque numérique Retronews aucun article dans la presse française mentionant la publication de la brochure. Les expériences des électriciens britanniques (Ayrton et Perry, Shelford Bidwell) retiennent désormais plus l'attention de la presse française. Ces intervenants ont plus de légitimité scientifique et peuvent faire valoir les résultats d'expériences, ce qui n'est pas le cas du notaire d'Ardres. SI l'on excepte les annonces d'échanges d'animaux à réaliser au sein de son étude, son nom n'apparaitra plus dans la presse quotidienne avant mars 1883.

Une question de priorité sans grande importance

Dans son ouvrage Sur le microphone, le radiophone et le phonographe, qui paraît en juin 1882, du Moncel consacre un chapitre substantiel au téléphote, préférant le terme lancé par McTighe et les frères Connolly au peu aisé télectroscope. (22)

 .

Du Moncel revient sur le débat de priorité entre de Paiva et Senlecq en portant un jugement de Salomon : de Paiva a publié le premier, mais Senlecq a mené une démarche simultanée ; cette question historique est pour du Moncel sans grand intérêt, puisque rien n'a encore abouti et que tout reste à faire. Il reconnaît que l'appareil de Senlecq est plus élaboré que celui du Professeur portugais et que celui attribué à Graham Bell (qui en fait ne s'est pas intéressé à la question...).

Cette querelle de priorité nous paraît encore plus vaine aujourd'hui - elle l'était déjà à l'époque comme le souligne le commentaire de la revue La Lumière électrique dans son commentaire sur la lettre de Senlecq du 1er novembre 1880 - , dès lors qu'il apparaît que l'intérêt pour le sélénium était "dans l'air du temps". Il n'en reste pas moins qu'en terme de communication publique de l'idée de recours au sélénium, c'est bien à de Paiva que revient l'antériorité. Mais il est évident aussi que Senlecq, à l'instar de Carey, a conçu un appareil et mené des expérimentations, alors que la contribution du professeur portugais est restée purement théorique. De plus, comme le remarque Jean-Jacques Ledos, Senlecq a été le premier à avoir imaginé le balayage de la surface d'une image alors que le projet de Carey ne mentionne pas d'analyse séquentielle, mais conçoit un système de mosaïque de points.


Senlecq s'attribue la création du terme télecroscope, alors que la première attestation est l'article de l'Abbé Moigno publié en juin 1877.(23)

   

La  question de priorité dans la formulation de l'idée du recours au sélénium pour transmettre les images à distance n'est, au regard de l'histoire des sciences, habituée à ce type de querelles, que secondaire. Ce qui est incontestable est que Senlecq est allé beaucoup plus loin que de Paiva, dans l'imagination, sinon dans l'expérimentation du télectroscope.

Il est significatif que Senlecq publie sa brochure après deux marques importantes de reconnaissance : la publication de l'article du Comte du Moncel du 19 mars 1881 et la publication de la traduction anglaise de sa "notice" la plus développée, et la seule illustrée,  dans la presse anglo-saxonne Mais c'est probablement l'absence d'accès à une publication scientifique française - clairement notifiée par du Moncel - qui l'amène à publier une brochure à compte d'auteur, dont la diffusion restera très limitée. Champeix a beau affirmer que cette brochure fut "publiée simultanément à Paris, à Londres et à New York", nous n'avons pas connaissance d'autres exemplaires que ceux, au nombre de deux, "réputés existants" au catalogue de la Bibliothèque nationale.

Un silence d'un quart de siècle

Après la publication de sa brochure, Senlecq sort du champ. Il va se préoccuper d'autres sujets. Il  et ne fera sa réapparition en 1907 pour demander (et obtenir) un brevet pour un télectroscope amélioré.

 

Pourquoi ce silence ? Pourquoi Senlecq n'a-t-il pas donné une suite immédiate à ses travaux sur la transmission des images ?  Selon Champeix, se basant sur le témoignage du fils de Senlecq, le notaire-inventeur aurait été découragé par le montant important - 50 000 francs de l'époque - qu'on lui aurait demandé pour construire son télectroscope et sa fortune ne lui permettait pas une telle dépense. L'Académie des Sciences, à qui il avait communiqué sa brochure, lui aurait répondu par lettre que "le problème de la transmission électrique des images était une utopie irréalisable". Champeix nous rapporte que Senlecq qui avait le sens de l'humour, avait fait encadrer cette lettre côte-à-côte avec celle que lui avait envoyée Graham Bell, lequel affirmait que "l'invention du télectroscope valait bien l'invention du téléphone". Champeix ajoute en note : "Ces documents ont malheureusement disparu, la maison de Senlecq à Ardres ayant été "occupée" pendant la durée de la Seconde guerre mondiale."

 

La reconnaissance de la contribution de Senlecq dès la fin du 19ème siècle mais l'oubli quasi complet dans la presse française

 

Cependant, les divers articles publiés entre 1879 et 1881 rendent le nom de "Senlecq d'Ardres" rapidement célèbre. Outre les témoignages déjà cité de de Paiva, Carey, du Moncel et celui - perdu mais plausible - de Graham Bell, on retrouvera son nom systématiquement cité dans les contributions ultérieures sur la vision à distance.

Aux Etats-Unis, en 1883, il est le seul de la première génération des pionniers de la vision à distance à être cité dans le Dictionary of electricity de Henry Greer.(24) En Angleterre, lorsque le Dr. Gindrah (en fait un personnage de canular) prétend, depuis la Nouvelle-Zélande, avoir inventé un télectroscope, The Electrician rappelle que ce mérite revient à Senlecq.(25)

En Allemagne, dans son article fondateur de 1885 (26), Nipkow fait référence aux travaux de Senlecq "menés depuis 1877", qu'il ne connaît probablement que par l'article - qu'il cite - de The Electrician. En 1891, le grand chimiste allemand Raphael Edouard Liesegang commence l'historique de sa propre brochure sur la télévision par une évocation des travaux de Senlecq, avec la date de 1877.(27) 

 

En France, les principaux états de l'arts du début des années 90 (Mathias, Blondin) citent Senlecq (28) et, Emile Desbaux le crédite dans le chapitre sur le téléphote de sa Physique populaire, que citera Anatole France (29). C'est peut-être ce livre qui a relancé la citation de Senlecq dans la presse quotdienne (29) Dans le Grand dictionnaire universel de Pierre Larousse (vers 1890), Senlecq est cité comme ayant été le premier à indiquer le moyen de résoudre la téléphotographie (1877).(30) 

Les travaux de Senlecq menés entre 1877 et 1881 resteront régulièrement cités par la suite jusqu'à la fin du siècle, et il est probable que c'est à lui que Mark Twain fait référence dans son premier article sur Jan Szczepanik (1898), l'inventeur austro-polonais du Telelekstroskop, en indiquant "A Frenchman came near to solving the difficult and intricate problem fifteen years ago, but an esential detail was lacking which he could not master, and he suffered defeat.". (31) Apprenant l'invention d'un téléctroscope par Jan Szczepanik, Senlecq adresse une lettre  le 13 mars  au rédacteur du New York Herald, et publiée le 15 mars, pour protester de l'antériorité de son invention face au télectroscope annoncé par l'"Edison polonais". Il menace de faire annuler les brevets de l'inventeur viennois. Le 22 mars, le journal reprend la réponse ironique de l'avocat de Szczepanik, qui a été publiée dans l'article "Wer erfand das Telektroskop ?" du Neues Wiener Tagesblatt du 20 mars : tout le monde attend la démonstration de l'appareil que Senlecq a décrit il y a dix-sept ans et son client met au défi le noraire du Pas-de-Calais de démontrer que cet appareil, annoncé en 1877 et dont les dernières notices remontent à 1881, fonctionne, auquel cas il serait prêt à faire annuler ses propres brevets !

Un brevet tardif puis l'abandon du sélénium

 

Si les contributions de Senlecq des années 1878-1881 sont connues, peu de monde a prêté attention à ses travaux des années 1907-1909 et au brevet qu'il a obtenu pour un appareil destiné à transmettre à distance, par l'électricité, la vision avec le mouvement et l'instantanéité.  (32)

Une analyse détaillée de ce brevet montrera certainement que sa proposition - inspirée par le disque de Nipkow - est moins originale que les hypothèses de 1878-1881. Ce brevet est pourtant intéressant à plus d'un titre. Bien que référence soit faite au télectroscope proposé par Senlecq "dont les premiers essais remontent à 1877", même une lecture rapide permet de voir que l'appareil ici proposé est bien loin de celui décrit par Senlecq dans ses contributions de 1878-1881 : il intègre de toute évidence l'apport de Nipkow et de ses disques d'analyse et de synthèse des images. Alors que dans les contributions de 1880-1881 la captation et la transmission des images en mouvement n'était pas explicitée, l'appareil de 1907 prétend bien transmettre la vision "avec le mouvement et l'instantanéité". La conclusion du brevet indique d'ailleurs que l'image obtenue est "fugitive mais animée". Notons également la référence - évidemment impensable en 1878-1880, aux lentilles "analogues à celles du cinématographe". Enfin, Senlecq se montre beaucoup plus concret dans la description de la préparation du sélénium, ce qui, plus que dans les propositions initiales, laisse supposer une expérimentation réelle.

 

Reste à déterminer pourquoi Senlecq revient à la question de la vision à distance en 1907, plus d'un quart de siècle après la publication de sa brochure Le télectroscope. Souhait-il une reconnaissance a posteriori de ses premières contributions ? Considérait-il avoir atteint un niveau de perfectionnement tel qu'il imaginait pouvoir rendre son appareil bientôt opérationnel, et donc, éventuellement, exploitable ? Il n'est pas inutile de noter que sa demande de brevet fait suite à la mise à l'ordre du jour de la télévision à l'ordre du jour du Congrès de l'Electricité de l'Exposition universelle de Paris (1900), de l'octroi de brevets français à Bauer (1898), Polumordvinov  (1900), Laurent Semat pour son téléphote (1901, 1902) et à Georges Rignoux, également pour un téléphote (1906). Les brevets pour des appareils de transmission d'images fixes, recourant aux propriétés du sélénium, commençaient également à se multiplier : E. et O. Buss (1903), Belin (1905), Carbonnelle (1905) sans oublier les démonstrations du télautographe de l'allemand Korn (1904-1907).  

 

En déposant une demande de brevet, dont nous laissons aux ingénieurs le soin de discuter l'originalité, le notaire d'Ardres voulait peut-être simplement se rappeler à la mémoire de ses contemporains, tout en indiquant qu'il était toujours "dans le coup". Selon le notaire Ryssen, gardien des archives et de la mémoire locale de Senlecq à Ardres, c'est à l'incitation de son fils que l'inventeur aurait fait cette démarche.

Une présentation du nouveau télectroscope de Senlecq;, "The Senlecq telectroscope, an apparatus for electrical vision" paraîtra dans le Scientific American Supplement  en décembre 1907 (33). Shiers (1997, p.49) commente ainsi cet article : "In this adaptation of Nipkow's disk the inventor employs separate cells or plus of selenium instead of holes in a copper disk. Signals from each cell in turn are sent via an induction coil to a solenoid-type galvanometer which operates a shaded transparency to modulate light from a lamp in a receiver. The modulated beam is then passed through the holes in a scanning disk and projected onto a viewing screen. No specific method for synchronism is mentioned, but a screw is provided to adjust the disk speed at the receiver."

   

Selon Champeix, Senlecq publia encore en 1907 une proposition d'enregistrement des images sur fil d'acier, anticipation intéressante de l'enregistrement sur bande magnétique et qui était peut-être inspirée par le télégraphone de Poulsen permettant l'enregistrement du son sur fil d'acier (1900). Champeix indique que la méthode proposée par Senlecq a été décrite par A. Turpain dans Notices fondamentales de télégraphie, Gauthier-Villars, 1910, mais nous n'avons pu à ce jour prendre connaissance de cet ouvrage.

 

Il reste que, pour l'instant, nous ne disposons d'aucune attestation de démonstration, ni même aucune trace d'une possible conservation de l'appareil de 1907. A défaut d'archives familiales, apparemment disparues sous l'Occupation, un examen détaillée de la presse de l'époque reste à faire. 

 

En janvier 1908 la revue La Nature publié un article "Système phototélégraphique Senlecq-Tival",(34) Ce système, inspiré par l'enregistrement électromagnétique imaginé par Poulsen en 1899, suppose que les images sont enregistrées sur un ruban métallique qui sert d'intermédiaire pour la transmission. Le système de réception est conçu pour impressionner une plaque photographique et reproduire l'image originale. Il s'agit donc plus d'un appareil de téléphotographie que d'un appareil de transmission d'images en mouvement. La transmission est réputée immédiate, alors que les autres systèmes (Belin, Korn, Carbonneau) nécessitent à l'époque près de trente minutes pour la transmission d'une image. La proposition Senlecq-Tival a été présentée dans d'autres articles puis en février 1908, la revue Le génie civil  le  présente dans un comparatif des différents  appareils de photo-télégraphie qui viennent d'être démontrées. mais ne paraît avoir eu aucune suite en termes de brevet, d'expérimentation et, évidemment d'exploitation.(35)

Le 5 décembre 1908, un article - jamais cité - de R. Villers, "La vision à distance - Les essais de M. Senlecq"  paru dans La Nature fait mention d'une lettre de Senlecq, annonçant qu'il a définitivement abandonné les hypothèses de recours au sélénium, trop inerte.(36) Il propose à présent un appareil transmetteur recourant à un mélange gazeux d'hydrogène et de chlore, utilisé dans un mince pinceau lumineux qui frappe une glace, insérée dans une chambre noire, et produisant ainsi des vibrations qui peuvent être transformée en courant électrique. L'image à transmettre vient se transmettre sur la glace de l'appareil, au foyer d'une chambre noire qui est elle-même recouverte d'un écran, qui est en fait un disque de Nipkow. Chaque point de l'image envoie un mince pinceau de rayons sur la caisse à chlore et hydrogène. Le journaliste qui rapporte la lettre de Senlecq conclut en indiquant qu'il n'a pu vérifier les résultats obtenus par M. Senlecq mais trouve le principe du système extrêmement ingénieux. Cette proposition est complètement passée aux oubliettes de l'histoire. Elle a échappé à la vigilance de Korn et Glatzel, de Shiers, d'Abramson et même de Jean-Jacques Ledos et nous sommes probablement les premiers à en faire mention depuis 1908. Un tel renouvellement de conception, trente ans après des propositions pionnières, mérite bien cette reconnaissance.

Les autres activités de Constantin Senlecq

 

Senlecq ne s'en est pas tenu à des propositions sur la transmission des images. The Electrician du 4 mars 1882 cite l'invention d'une batterie sans acide pour laquelle Senelcq aurait déposé un pli cacheté à l'Académie des sciences lors de sa séance du 30 janvier 1882.(37)

 

Senlecq est intervenu dans d'autres domaines que l'électricité. Il s'intéresse en particulier à l'aéronautique et est  l'auteur d'une brochure  Navigation aérienne, système d'aérostat plus lourd que l'air s'élevant et se maintenant à une hauteur voulue dans l'atmosphère, par une force mécanique infiniment réduite. Elle est datée de janvier 1886 et déposée à l'académie des Sciences de Paris, séance du 27 août 1886. Dans cette brochure de 12 pages, Senlecq se présente comme "Membre fondateur de la Société internationale d'électricité de Paris". Ce passage des télécommunications vers l'aéronautique est un phénomène intéressant que l'on retrouve également chez Graham Bell, Clément AderPaul Nipkow, Lazare Weiller et Henry Sutton.

Constantin Senlecq (1842-1934)

(1) CHAMPEIX R., Savants méconnus. Inventions oubliées, Dunod, Paris, 1966

La maison du notaire Senlecq, sur la place d'Ardres (Pas-de-Calais)

(Photos André Lange)

Maître Ryssen raconte Maître Senlecq, Père de la télévision

(Source : Archives Pas de Calais)

Couverture du Scientific American du 9 septembre 1876. L'article "The Human Voice par Telegraph" décrivant le téléphone de Graham Bell n'arrive qu'en cinquième page ! (Source : Archive.org)

Planche de la brochure Le télectroscope de 1881

(2) Cette démonstration est décrite dans BIDWELL, S., "Tele-photography", Nature, 23, 10 February 1881, pp.423-424. et BIDWELL, S., "On telegraphic photography", Report of the British Association for 1881, transactions of Section G, pp.777-778.)

(3) "Le télectroscope", La Science pour tous, Paris, 7 décembre 1878. L'article est reproduit dans le Bulletin de la Société française de photographie, Tome 25, 1879, p.27-28. Il est cité dans Photographische Korrespondenz. n°180, Dezember 1878, p.248-248

(4) Victor MEUNIER, "Causerie scientifique", Le Rappel, 15 janvier 1879.

 

(5"Télectroscope", in Les Mondes, revue hebdomadaire des sciences et de leurs applications aux arts et à l'industrie, par M. l'abbé Moigno, tome XLVIII, n°13, 16 janvier 1879, Paris. Voir également E. VIAL, "Causerie scientifique", L'Univers, 27 janvier 1879.

"The telectroscope", English Mechanic and World of Science, 32, 11 Feb. 1881, pp.534-535

(6)

  • "The Telectroscope", Nature, Vol. XIX, n°482, 23 January 1879. Cet entrefilet, faisant écho à l'article de l'Abbé Moigno est apparemment le premier article américain, et le premier article en anglais, sur le télectroscope.

  • "The Telectroscope", The Times, London, 27 January 1879.Cet article est le second article connu paraissant en anglais - mais le premier en Grande-Bretagne - sur le projet de télectroscope de Senlecq. Il constitue une traduction de l'article de l'Abbé Moigno Il est donc beaucoup plus détaillé que le simple entrefilet, paru dans Nature le 23 janvier. de la même année.

  • "The Telectroscope", English Mechanic and World of Science, n.723, 31 January 1879. Cet article reprend la description du télectroscope dans des termes identiques à ceux de Nature et du Times.

  • The Electrician, n°14, vol. XI, London, 1 February 1879.Cet article reprend la description du télectroscope dans des termes quasi identiques à ceux de Nature et du Times.

  • "The Telectroscope is the name...", The Telegraphic Journal, 15 February 1879. Petit article qui présente le télectroscope de Senlecq en évoquant le télégraphe autographique de D'Arlincourt et le "téléphone imaginaire de C. Borseuil" (en réalité Charles Bourseul).

(7) "The Telectroscope", Scientific American, 40, 17 May 1879.

(8) "The Telectroscope", Harper's New Monthly Magazine, vol. LVIII, December 1878 to May 1879, Harpers and Brothers Publishers, New York, 1879, p. 947. Bref entrefilet, qui mentionne le nom de Senleg (sic).

  

"The Telectroscope used for photographing over telegraph wires", Manufacturer and Builder, 1879.

UN ACADEMICIEN 'D'ETAMPES (L.A.S. L. de Beaumont), "Curiosités de la science. Au Sud ! Le télectrsocope", Le Figaro, 21 mai 1879

(9)  "El telectroscopio", La Epoca, Año XXXI, n°9,790, sábado 27 de septiembre de 1879, Madrid.

Article en espagnol, qui reprend la description, désormais classique, de l'appareil. L'article situe la proposition de Senlecq dans le développement de celle de W. Siemens et de Graham Bell.

"O telectroscopio", O Commercio do Porto. XXVI anno, n° 239. Sabbado 4 de outubro de 1879. Porto. Cet article en portugais, peut-être inspiré par l'article de La Epoca, fait référence au télectroscope de Senlecq, mais sans mentionner le nom de celui-ci.

(10"O telectroscopio", O Commercio do Porto. XXVI anno, n.°241. Terça-feira 7 de outubro de 1879.- Porto.

(11)  MEUNIER V., "Causerie scientifique", Le Rappel, 21 mai 1880.

(12du MONCEL, Th., "Transmission des images par l'électricité", La Lumière électrique, Paris, 15 juin 1880.

(13) de PAIVA, A., La téléscopie électrique basée sur l'emploi du sélénium, édition à compte d'auteur dans la typographie de Antonio José Da Silva, Porto, 1880, 48 pages.

(14) du MONCEL, Th., "La télescopie électrique", La Lumière électrique, Paris, 1er octobre 1880.

(15) SENLECQ, C., "A propos du télectroscope", lettre publiée dans La Lumière électrique, 1er novembre 1880. 

(16) "The Telectroscope by Mr. Senlecq d'Ardres" The Electrician, 5 February 1881, vol. 6, pp 141-142.  L'article est repris dans English Mechanic and World of Science, 32, 11 Feb. 1881, pp.534-535

(17) NIPKOW, P., "Der Telephotograph und das elektrische Teleskop", Elektrotechnische Zeitschrift, October 1885, pp. 419-425.

(18du MONCEL, Th., "La téléphotographie", La Lumière électrique, Paris, 19 mars 1881.

(19) MEUNIER V., "Voir par le télégraphe", Le Rappel, 25 mars 1881. 

(20) SENLECQ, of Ardres, "The Telectroscope"Scientific American supplement, n° 275, April 9, 1881.

(21) SENLECQ, C., Le télectroscope, avec notes traduites de l'anglais par l'auteur, Typographie M. D'Homont, Saint-Omer, 1881, 36 p. (postérieur au 9 avril 1881).

"Revue éléctrique",

Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche, 5 novembre 1881.

(Source : Gallica)

(22) du MONCEL, Th., "Le téléphote" in Sur le microphone, le radiophone et le phonographe, Bibliothèque des Merveilles, Hachette, Paris, 1882. 

(23) "Actualités télégraphiques - Le télectroscope". ; Cosmos - Les Mondes 28 juin 1877. Sur le recours à "télectroscope" en remplacement de "electroscope", voir sur cet site notre article "Canular ou méprise ? L'attribution imaginaire de l'invention du télectroscope  à Graham Bell par l'Abbé Moigno et Louis Figuier (1877-1878)"

Dans son article du 5 février 1881, The Electrician félicitera Bidwell pour le choix du terme "tele-photography", plus attrayant que le "telectroscope" de M. Senlecq.

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Lettre de Constantin Senlecq au rédacteur du New York Herald, publiée le 15 mars 1898.

(24) "Telectroscope", in GREER H. A Dictionary of Electricity, W. allison, New York, 1883, p.149

(25) "Remakable Electric Discovery", The Electrician, 31 March 1880, p.460

 

(26) NIPKOW, P., "Der Telephotograph und das elektrische Teleskop", Elektrotechnische Zeitschrift, October 1885, pp. 419-425.

(27) LIESEGANG, R.E. , Beiträge zum Problem des electrischen Fernsehens. Probleme der Gegenwart, Band 1. Liesegang Verlag, Düsseldorf, 1891.

(28) MATHIAS, E., "La transmission des images par l'électricité"Revue générale des sciences, t. I, n°24, pp.798-800, Paris, 1890 ;  BLONDIN, J. "La vision et la photographie des objets à très grandes distances", L'Electricité, 25 mai 1893, pp.241-243.

(29) DESBAUX, E. Physique populaire, E. Flammarion,1890, p.247  FRANCE A., "Courrier de Paris", 27 décembre 1890 ;

(29) GAUTIER, E. "Téléphotoscopie", Paris, 11 septembre 1890. Egalement dans Le Clairon, 12 septembre 1890HOMODEL, "Le télectroscope", La Dépêche, 22 juin 1891; MESSOR, "Chronique scientifique", L'Indépendant rémois, 16 mai 1892 ; MEUNIER V., "L'Exposition de 1900", Le Rappel, 26 juillet 1892 ; VITOUX G., "Portraits télégraphiques", La République française, 8 juin 1894.

(30) Articles "Téléphotographie", "Téléphote"  et "Télescopie", in LAROUSSE, P., Grand dictionnaire universel du XIXème siècle, Paris, 4ème supplément, v.1890.

(31) TWAIN M. "The Austrian Edison keeping school again",  The Century Illustrated magazine, New York, August 1898, pp.630-631

 

(32) Les seuls ouvrages où nous l'avons trouvé cité sont FOSTER DOTY, M., Selenium, a list of references (1817-1925), compiled by Marion Foster Doty, The Public Library, New York, 1927 et la magistrale bibliographie de SHIERS, G., Early Television. A Bibliographic Guide to 1940, Garland Publishing, 1997.

Trois figures du brevet de Senlecq (1907)

(33), "Senlecq's Telectroscope", Scientific American Supplement 1907,64 (p.372-373).

(34) "Système phototélégraphique Senlecq-Tival", La Nature; n°1809, 25 janvier 1908. Voir également DE CUNHA A., "Transmission à distance des images photographiques", La revue de photographie, 1908, pp.73-78

(35) CERBELAU G., "La téléphotographie", Le Génie civil, 1er février 1908.). Il sera sera décrit par Henri Armagnat dans son article "Photo télégraphie", Revue scientifique, 18 avril 1908 (également traduit en anglais dans Annual Report Smithonian Institution, 1908, pp. 197-207).

(36) R. Villers, "La vision à distance - Les essais de M. Senlecq"  La Nature, n°1854, 5 décembre 1908).

L'appareil transmetteur du sytème Senlecq de décembre 1908 

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L'appareil proposé par Senlecq en 1908 inclut un "disque distributeurs de rayons lumineux" clairement inspiré du disque de Nipkow.

(37) "A New Battery", The Electrician, 4 March 1882, p.243

C. SENLECQ, Navigation aérienne, système d'aérostat plus lourd que l'air s'élevant et se maintenant à une hauteur voulue dans l'atmosphère, par une force mécanique infiniment réduite, Typ. H. d'Homont, Saint-Omer, 1886. (Coll. A. Lange)

(38) BLAVIER, A; Les fous littéraires. Edition nouvelle revue, corrigée et considérablement augmentée, Edition des Cendres, p.795.

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SENLECQ C.M., L'Or et l'Argent dans la Circulation Monetaire. Le Monometallisme Or, cause preponderante de la Ruine Agricole & Industrielle, J. Michelet, Paris, 1895 (Photo : Librairie Brimstone)

(39) "La vision à distance par l'électricité", Le Temps, 24 avril 1908 : "La vision à grandes distances", La Revue, 15 mai 1908.

(40) Le Temps, 15 mai 1908.

(41) "Il y a cinqante ans qu'un Français a inventé l'appareil qui pêrmet d evoir à distance", L'Echo du Nord, cité dans Le Nouveau siècle, 14 novembre 1926.

(42) "Un cousin d'Alexandre Roibot qui fut précurseur de la télévision vient de mourir à peu près ignoré", Le Petit Parisien, 9 janvier 1934 ; L'Intransigeant, 10 janvier 1934.

(43) "L'inventeur de la télévision était un Ardrésien", Le Progrès de la Somme, 25 août 1939 ; Paris-Soir, 25 août 1939.

(44) "Il y a 70 ans un notaire du Nord découvrit la télévision", V, 22 janvier 1950. 

(45) MICHEL M, "Drame. La passion John Baird", Le Monde, 27 mars 1971.

(46) LEDOS J.-J., "26 avril 1935,20 h 30 : quelques Parisiens contemplent les premières images TV", Le Monde, 27 avril 1985.  Jean-Jacques Ledos, dans les années 1999-2004, m'a fournit beaucoup de documents relatifs à Senlecq, à une époque où ils n'étaient pas encore dispônibles en ligne. 

(47) KORN A. und GLATZEL, B. Handbuch der Phototelegraphie und Telautographie, Otto Nemnich, Leipzig, 1911,; pp..427 -433 et passim

Reproduction de la planche du dessin original du télectroscope (C. SENLECQ, Le télectroscope, 1881) dans Dionys von MIHALY, Das elektrische Fernshen und das Telehor,Verlag von M. Krayn, Berlin, 1923. (Coll. A. Lange)

(48) Pour une première tentative d'analyse en termes de champ scientifique, voir LANGE A., ""Le miroir magique. La vision à distance par le biais de l'électricité à la fin du XIXème siècle et l'historiographie des origines de la télévision", Recherche en communication, Université de Louvain la Neuve, [2000]

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Schéma colorié à la main de l'aérostat à propulsion électrique in C. SENLECQ, Navigation aérienne, système d'aérostat plus lourd que l'air s'élevant et se maintenant à une hauteur voulue dans l'atmosphère, par une force mécanique infiniment réduite, Typ. H. d'Homont, Saint-Omer, 1886. (Coll. A. Lange)

La brochure de Senlecq fait référence aux expériences de ballons dirigeables menées par Henry Giffard (1852), les frères Tissandier (1883) et Renard et Krebbs (1884). Senlecq propose un système mêlant les avantages du plus léger que l'air (aérostat utilisant le gaz hydrogène pour l'ascension) et du plus lourd que l'air (char de la nacelle muni d'une hélice tournant horizontalement, propulsée par un moteur actionné par l'électricité). La contribution de Senlecq ne semble avoir eu aucun impact sur le développement de la navigation aérienne. Il faut dire que l'idée du recours à l'énergie électrique avait déjà été formulée par Gaston Tissandier lui-même l'année précédente dans Les ballons dirigeables. Application de l'électricité à la navigation aérienne, Gauthier-Villars, 1885. Comme le fait remarquer Me Ryssen, l'idée du recours à une hélice peut être considérée comme une préfiguration de l'hélicoptère.

 

Le grand bibliothécaire verviétois et pataphysicien André Blavier signale, dans le segment consacré à la navigation aérienne du chapitre "Inventeurs et bricoleurs" de son anthologie Les fous littéraires, que "C. Senlecq, inventeur du télectroscope, publie en 1891 une Solution qui, comme celle de Deydier, manque à la B.N.F." (38). Je m'en veux un peu de prendre ici en défaut le grand érudit, qui se trompe sur le titre et sur la date, mais puis rassurer sa défunte mémoire sur le fait que la Navigation aérienne (1886) figure à présent au catalogue de la B.N.F.

Ayant abandonné le notariat pour se consacrer au conseil en gestion de patrimoine, Senlecq s'est aussi intéressé aux questions économiques et financières. Il publie L'Or et l'Argent dans la Circulation Monetaire. Le Monometallisme Or, cause preponderante de la Ruine Agricole & Industrielle, J. Michelet, Paris, 1895.

Constantin Senlecq est mort en 1934, âgé de 92 ans. Il a donc pu avoir connaissance des succès obtenus en matière de télévision mécanique par des chercheurs tels que Jenkins (1925), Baird (1926) des premiers travaux de René Barthelemy et même des débuts de la télévision électronique développée par Farnsworth et Zworykin. Mais comme l'indique Champeix, "par une étrange ironie du sort, il était devenu complètement aveugle".

L'oubli de Senlecq dans la presse française

Au début du XXe siècle, les citations dans la presse quotdienne deviennent plus rares et sont tributaires de nouvelles contributions françaises telles que celle d'Armengaud en 1908.(39) Le souvenir de l'inventeur est devenu vague et Le Temps, journal de référence de l'époque, se voit obligé de publier un rectificatif pour préciser que Senlecq est français et non américain comme il l'avait écrit.(40). Si l'on excepte les deux articles que La Nature consacre à ses nouvelles propositions en 1908, ses propositions de 1878-1880 ne sont plus citées qu'en 1926 par deux quotidiens, lorsque la démonstration de la télévision de John Logie Baird rend de l'actualité au sujet. (41)

Le décès du notaire d'Ardres, en janvier 1934, ne retient l'attention que de la press locale (42). Il faut attendre 1939 pour que le Conseil municipal d'Ardres, sur proposition du député du Pas de Calais M. de Saint-Just, ancien Maire de la petite ville, rende hommage à l'inventeur en donnant son nom à une rue de la localité. (43)

Après la Seconde guerre mondiale, l'oubli de Constantin Senlecq est à peu près complet dans la presse française. Durant la IVeme République, il n'est cité qu'une seule fois,  en 1950, dans V, le magazine illustré du Mouvement de libération nationale (MLN) (44). Dans Le Monde, il sera cité que dans deux articles : en 1971 à l'occasion d'une dramatique de Pol Quentin, La passion de John Baird, réalisée par Robert Crible (45). En 1985, dans un article commérant le cinquantième anniversaire des premières diffusions françaises; Jean-Jacques Ledos, alors technicien à la S.F.P., évoque Senlecq, " bricoleur" particulier.  Ledos commencera à cette époque un premier travail de recherche de documents, dont le présent article est l'héritier.(46)

L'imprécision des historiens contemporains

   

Si la presse française a oublié, durant le XXe siècle, la contribution de Selnlecq, celle-ci est restée fréquement citée dans les articles d'état de l'art et les ouvrages sur l'histoire de la télévision, en particulier ceux relatif à l'histoire technique. 

Korn et Glatzel lui consacrent onze pages dans leur solide Handbuch der Phototelegraphie und Telautographie. (47) Il est par contre assez curieux de constater que les deux grands historiens des développements techniques de la télévision, Abramson et Burns, ne semblent pas avoir fait un travail approfondi sur cette période. Champeix, dont la contribution est pourtant la plus détaillée, est assez imprécis sur la chronologie des publications.

   

Albert Abramson n'a pas eu une connaissance directe de la brochure de de Paiva et, en 1987, ne cite que les articles de English Mechanic et ne publie pas de reproduction du schéma de Senlecq, alors qu'il publie ceux de Carey et de Nipkow. 

   

Ignorant également les sources françaises,  R.W. Burns, dans Television. International history of the formative years (1999), de manière bien étonnante, publie le dessin de la brochure de 1881, mais en indiquant comme source, l'article de English Mechanic and World Science du 11 février 1881 ! En fait, il est aisé de voir, grâce à la mention "Original Zeichnung von Senlecq" que reproduit Burns en haut du graphique, qu'il n'utilise ni l'original ni le magazine anglais, mais bien une source allemande ! Cette source allemande n'est autre que l'ouvrage du hongrois Dionys von Mihály, Das elektrische Fernshen und das Telehor, Verlag von M. Krayn, Berlin, 1923. Mihály a le mérite de fournir un historique assez détaillé des premières années de recherche sur la télévision, mais il date le début des travaux de Senlecq de 1872 ! Quant à son jugement sur le fond, il conclut que la proposition de Senlecq est à peine plus élaborée que celle de de Paiva.  

Nous nous en tenons ici à la critique des travaux les plus éminents. On n'en finirait pas d'épingler les imprécisions relatives aux travaux du notaire d'Ardres qui circulent dans les ouvrages de vulgarisation, dans les chronologies et dans quelques sites internet consacrés à l'histoire de la télévision ou à l'histoire de la télécopie. 

Il faut attendre le début du 21ème siècle, avec la démarche de collecte systématique des articles publiés, entreprise ici avec la collaboration minutieuse de Jean-Jacques Ledos, pour qu'une reconstitution chronolgique permette de mieux percevoir la circulation des informations, la création d'un champ concurrentiel et le rôle des instances de légitimation (Du Moncel en tant qu'académien en France, la presse technique en Angleterre et aux Etats-Unis). (48).

 

Il apparaît indiscutable que Senlecq a été, avec quelques autres, un pionnier de la recherche sur la transmission des images à distance, mais le qualifier de "père de la télévision" ou d'"inventeur de la télévision" est certainement excessif; Son ambition initiale était probablement plus la transmission de documents que la transmission d'images en mouvement.

Bibliographie

CHAMPEIX, R., Savants méconnus, inventions oubliées, Dunod, Paris, 1966.

FOSTER DOTY, M., Selenium, a list of references (1817-1925), compiled by Marion Foster Doty, The Public Library, New York, 1927.

LEDOS, J.J.,  article "Senlecq Constantin (1842-1934)" in Dictionnaire historique de télévision, De ABC à Zworylin, L'Harmattan, 2013, pp.482-485.

SAUVAGE G. Arbre généalogique de Constantin Senlecq, Geneanet, Consulté le 17 janvier 2018.

TURPAIN, A. Notions fondamentales sur la télégraphie, Editions Gauthier-Villars, 1910.

"9 octobre 1842 : naissance de Constantin Senlecq, pionnier de la télévision", Les Archives du Pas de Calais, 9 octobre 2017.

Je remercie M. Jean-Jacques Ledos qui m'a communiqué plusieurs des articles de Senlecq ici reproduits et a attiré mon attention sur la contribution de Champeix.

André Lange. Première publication décembre 2001. Dernières révisions 27 avril 2023, 6 juin 2023, 25 juillet 2024

PDF de la brochure Le télectroscope de 1881 (exemplaire de la BNF). 

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Réponse de Henri Monat, avocat de Jan Szczepanik à la lettre de Constantin Senlecq (New York Herald, 22 mars 1898)

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